Saint Jean Chrysostome

Homélie 43 sur la première Epître aux Corinthiens

Quand aux aumônes qu’on recueille pour les saints, ce que j'ai prescrit aux Eglises de Galatie, faites-le vous-mêmes.

1. Après avoir mis fin à ce qui regarde les dogmes, passant à la question des mœurs, Paul laisse de côté tout le reste, pour aller droit à la source même des biens; il parle de l'aumône.

Ce sujet étant traité, il s'arrête, contrairement à son usage constant; car, dans toutes ses autres lettres, il termine en recommandant la modestie, la douceur, la patience, toutes les autres vertus, en même temps que l'aumône. Pourquoi ne parle-t-il ici que de cette dernière ? Parce qu'il a bien souvent abordé cette question des mœurs dans ce qui précède, en châtiant le fornicateur, en ramenant au devoir ceux qui recouraient à des juges étrangers, en réprimant par la crainte ceux adonnés aux plaisirs de la table, en condamnant les séditieux, les querelleurs et les ambitieux, en frappant de la plus effrayante malédiction ceux qui s'approchent indignement des divins mystères, en dissertant enfin sur la charité. 

Voilà pour quelle raison il ne mentionne plus que cette obligation de secourir les saints, celle qui lui tient surtout à cœur. Or, voyez la sagesse dont il fait preuve : c'est après leur avoir démontré la résurrection, après les avoir enflammés d'un saint zèle qu'il en vient à ce grand devoir. Et cependant il leur en avait déjà dit quelque chose, quand il s’exprimait primait ainsi: « Si nous avons répandu parmi vous les semences spirituelles, faut-il s'étonner que nous recueillions des secours matériels ?... Qui plante une vigne sans en manger du fruit?» 1 Cor., Ix, 11, 7. Mais, connaissant la grandeur de cette œuvre, il ne craint pas d'y revenir et d'insister à la fin de sa lettre. Il appelle collecte l'argent réuni dans ce but, allégeant ainsi du premier mot le sacrifice qu'on s'impose; une chose à laquelle tous contribuent devient pour chacun plus légère. Quand il l'a dit, il n'ajoute pas immédiatement : que chacun de vous mette à part et réunisse ce dont il pourra disposer.

Il semblait naturel de tenir ce langage; mais il a voulu leur citer auparavant l'ordre donné par lui-même aux Églises de Galatie, afin d'exciter leur émulation par l'exemple des vertus et des bonnes œuvres que d'autres ont pratiquées. Il a fait de même dans son épitre aux Romains. En paraissant leur exposer les motifs de son voyage à Jérusalem, il en prend occasion pour leur parler de l'aumône : « Maintenant je me rends à Jérusalem, dans le but de servir les saints. La Macédoine et l'Achaïe ont jugé bon d'envoyer quelques secours à ceux d'entre eux qui sont pauvres. » Rom., XV , 25, 26. Aux fidèles de Rome il offre l'exemple des Macédoniens et des Corinthiens; à ces derniers, celui des Galates. « Faites vous-mêmes comme j'ai prescrit aux Églises de Galatie. » Ils auraient rougi de se montrer inférieurs aux Galates.

Ce n'est pas une exhortation ou bien un conseil, c'est un ordre que l'Apôtre a donné; ce qui prouve une autorité beaucoup plus grande. II ne produit pas seulement en témoignage une, deux ou trois cités, mais bien la nation tout entière. Il avait également dit dans la question dogmatique: « Comme dans toutes les Églises des saints. » Si cette considération peut avoir une influence sur la foi, à plus forte raison l'exercera-t-elle sur le zèle. — Qu'avez-vous donc prescrit, ô grand apôtre ? - « Que, le premier jour du Sabbat (c'est-à-dire le Dimanche), chacun de vous mette de côté et tienne en réserve ce qu'il croira pouvoir donner. » La circonstance du temps n'est pas même indifférente à son exhortation : ce jour est propre à nous inspirer des pensées généreuses. Souvenez-vous des bienfaits que vous avez reçus à pareil jour : bienfaits inénarrables, la source et le principe de notre vie. Ce n'est pas pour cette raison seule que ce jour nous dispose mieux à la générosité, c'est encore parce qu'il suspend nos travaux et nos peines. Plus une âme se sent dégagée, plus elle a de propension et de liberté pour compatir à l'infortune. Ajoutez que la participation aux redoutables et divins mystères donne l'élan à notre cœur. « Que chacun de vous donc, » non pas simplement celui-ci ou celui-là, mais chacun, pauvre ou riche, homme ou femme, esclave ou libre, « mette de côté son offrande. » Il ne leur dit pas de la porter à l'église, de peur qu'on ne soit humilié du peu qu'on offre; il veut que cette réserve augmente peu à peu, promettant de la recueillir lui-même. En attendant, mettez vous-même quelque chose de côté, faites de votre maison une église, le trésor sacré; soyez-en le gardien, constituez-vous le pourvoyeur des pauvres. C'est l'amour du prochain qui vous investira de ce sacerdoce. Nous en avons encore le symbole aujourd'hui dans le trésor de nos temples. Oui le symbole partout et nulle part la réalité. Je n'ignore pas certes que beaucoup de ceux qui sont assis devant moi me reprocheront de nouveau de semblables paroles; ils me diront : Ne dépassez pas ainsi les bornes, n'accablez pas vos auditeurs, laissez-les à leur libre arbitre, respectez leur initiative; en ce moment vous nous faites injure, vous nous forcez à rougir. — Je ne me rendrai pas à de telles représentations. Paul ne craignait pas non plus d'importuner constamment les fidèles, d'employer le langage des mendiants. Si je vous implorais pour moi-même, si je vous priais d'apporter vos offrandes dans ma maison, peut-être en devrais-je éprouver de la honte ; mais non, pas même alors, puisque « ceux qui servent à l'autel vivent de l'autel.»I Cor., IX, 13.

2. Quelqu'un me reprocherait-il de parler dans mon intérêt, qu'il ne le pourrait pas à cette heure; car je demande pour les indigents, ou mieux pour vous, en vous suppliant de leur donner. C'est ce qui vous explique la liberté de ma parole. Et quelle honte voyez-vous à dire : donnez au Seigneur qui est pauvre, revêtez-le quand il circule dans un état de nudité, recevez cet étranger dans votre maison ? Le Seigneur n'a pas honte de dire à la face de l'univers : que « J'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger. » Matth., XXV, 42. Il parle de la sorte, lui qui n'a besoin de rien; et je serais retenu par la honte, j'hésiterais ! Loin de moi ce sentiment, qui n'est qu'une embûche du diable.

Non, je ne rougirai pas; je dirai sans crainte, et d'une voix plus forte que celle même des mendiants: donnez à ceux qui sont dans l'indigence. S'il était possible à quelqu'un de montrer et d'établir qu'en parlant de la sorte nous avons notre intérêt en vue, que nous cherchons un gain, sous prétexte de plaider la cause des pauvres, une telle conduite mériterait, non seulement l'ignominie, mais encore mille foudres; l'homme capable de s'abaisser jusque là ne serait pas digne de vivre; du moment où, par la grâce de Dieu, nous ne vous importunons pas pour nous-même, où nous vous prêchons l’Évangile sans aucune rémunération, nous contentant de nos propres ressources, si nous ne travaillons pas comme Paul, c'est avec toute hardiesse que je vous dirai : donnez au pauvre; et je ne cesserai pas de le répéter, je me constituerai l'accusateur infatigable de ceux qui ne donnent pas. Si je commandais une armée, si j'avais des soldats sous mes ordres, je ne rougirais pas de demander les approvisionnements nécessaires à mes soldats. J'aime votre salut avec passion. Pour rendre ma parole plus énergique et plus efficace, je me couvre de la protection de Paul, et c'est avec lui que je vous dis: « Que chacun de vous mette de côté et tienne en réserve ce qu'il croira pouvoir donner. »

Encore là, point d'importunité, remarquez-le bien. Paul ne fixe pas la somme, il leur laisse le soin de la déterminer, qu'elle soit grande ou petite; il ne la proportionne pas aux gains qu'ils feront, il s'en rapporte à leur bon plaisir, faisant entendre qu'elle viendra toujours de Dieu. Ce n'est pas la seule facilité qu'il leur donne; il n'exige pas qu'ils offrent tout à la fois, et ce sacrifice qu'ils s'imposeront peu à peu leur sera moins pénible. L'ordre qu'il leur transmet n'a donc rien de pressant; il leur laisse un temps considérable, et voici pour quelle raison : « Afin que les collectes ne soient pas à faire, quand je serai venu; » afin qu'ils n'aient pas à réunir la somme quand il faudra la verser. Cette circonstance ajoute un grand poids à l'exhortation; car l'attente de Paul inspirait plus d'ardeur et de zèle. « Lorsque je serai présent, j'enverrai avec les lettres ceux que vous aurez choisis porter à Jérusalem l'offrande de votre charité. » Ibid., 3. Il ne choisira pas lui-même, ils choisiront à leur gré, pour que le ministère soit à l'abri de tout soupçon. Voilà pourquoi il s'en remet à leurs libres suffrages. Il ne dit pas : la collecte est votre affaire, mais non le choix de ceux qui doivent la porter. Ensuite, pour qu'on ne s'imaginât pas qu'il serait alors absent, il parle de lettres à confier : « J'enverrai avec des lettres ceux que vous aurez choisis. » C'est comme s'il disait : Je ne serai pas séparé de vous, et par mes lettres je prendrai part à cette mission. Au lieu de dire encore : Je les enverrai porter votre l’aumône, il dit: « Votre charité, » leur montrant par là qu'ils accompliront une grande chose et qu'ils en retireront eux-mêmes un grand bien.

Ailleurs, il appelle cela une bénédiction, et puis une participation: le premier de ces noms doit les garantir de l'indolence; et le second, les préserver de l'enflure. Nulle part il n'emploie le mot d’aumône. « S'il est à propos que je parte moi-même, ils viendront avec moi. » C'est encore les exhorter à se montrer généreux. Si la chose est tellement importante qu'elle réclame ma présence, je ne m'y refuserai pas. Il ne fait pas cependant une promesse; il ne dit pas : après mon arrivée, j'irai remplir cette mission. S'il s'était engagé dès le principe, il eût moins relevé l'œuvre dont il s'agit; cette parole a plus de valeur et d'à-propos en venant après coup. Tout d'abord, ni promesse explicite ni silence absolu; c'est après avoir annoncé qu'il enverrait que lui-même se présente. Et, sur ce point encore, il s'en remet à leur décision, en disant : « Si la chose est tellement importante que je doive partir... » Il dépend d'eux d'augmenter la collecte au point qu'il soit dans la nécessité de se charger de cette mission. «Je me rendrai chez vous après avoir traversé la Macédoine. » Il avait antérieurement dit la même chose, mais alors avec un sentiment d'indignation, puisqu'il ajoutait : « Et je reconnaîtrai, non les discours des superbes, mais la vertu.» I Cor., IV, 19. Il s'exprime maintenant avec plus de douceur, répondant au désir qu'ils ont de le voir arriver. Ils auraient pu dire : Pourquoi nous préférez-vous les Macédoniens ? Aussi ne dit-il pas : Après que j'aurai été, mais bien plutôt : « Après que j'aurai traversé la Macédoine ; car je traverserai cette province. Peut-être m'arrêterai-je chez vous, ou même y passerai-je l'hiver. » Je ne veux pas vous visiter comme en passant, j'ai l'intention de m'arrêter et de converser avec vous. — Quand il écrivait cette lettre, il habitait Éphèse, et c'était pendant l'hiver. De là ce qui suit : « Je resterai à Éphèse jusqu'à la Pentecôte. » Puis je me rendrai dans la Macédoine et je la parcourrai ; j'arriverai chez vous pendant l'été, et je pourrai bien passer l'hiver parmi vous.

3. D'où vient le doute qu'il exprime, et pourquoi n'affirme-t-il pas ? Parce que Paul ne savait pas tout d'avance, et c'était mieux ainsi. Aussi ne pose-t-il pas une affirmation, pour avoir une excuse dans le vague même de sa parole, si la chose n'a pas lieu, et pour manifester aussi la puissance de l'Esprit, qui le menait à son gré, et non point selon les désirs de l'Apôtre. Il a déjà dit dans cette seconde épitre, en se justifiant de son retard : « Ou les projets que je forme, je les forme selon la chair, de telle sorte qu'il y ait en moi le oui et le non. » II Cor., XI, 17. Il leur donne encore une preuve de confiance et d'amour en ajoutant : « Et vous me mènerez où je devrai me rendre. » Il poursuit : « Cette fois, je ne veux pas vous voir comme en passant: j'espère bien rester un peu de temps au milieu de vous, si le Seigneur le permet. » C'est toujours le langage de la charité; mais on y sent aussi la menace contre les pécheurs, menace latente et que la charité même inspire. « Je resterai à Éphèse jusqu'à la Pentecôte. » Il ne leur cache aucune de ses pensées, il les traite en amis véritables.

Leur dire ainsi pour quelle raison il n'est pas encore venu, ce qui le fera retarder, puis le lieu qu'il habite, c'est l’effet de l'amitié. « La porte m'est ouverte grande et manifeste, les adversaires sont nombreux. » — Mais, si la porte est grande ouverte, comment les adversaires sont-ils là ? — C'est précisément parce que la foi se dilate, parce que les entrées sont amples et dégagées, qu'on doit s'attendre à de nombreux adversaires.

C’est quand l’Église triomphe qu’elle a plus à redouter

Qu'est-ce que cette grande porte ? Beaucoup se disposent à recevoir la foi, beaucoup vont se convertir et s'attacher à l’Église; l'accès m'est largement ouvert, les âmes appellent désormais la parole sainte. Aussi le démon redouble-t-il de fureur, voyant qu'on l'abandonne. Deux choses retenaient donc Paul : la grandeur du bien qui s'accomplissait, et celle de la lutte qu'il fallait soutenir: Cette assurance, que la prédication agissait et germait de toute part, était de nature à ranimer les courages. Le nombre même des jaloux et des opposants est un signe des progrès de l’Évangile. Jamais l'esprit du mal n'éprouve d'aussi violents accès de rage que lorsqu'il se voit ravir beaucoup de ses instruments.

Et nous aussi, quand nous devons entreprendre quelque chose de grand et de généreux, ne regardons pas à l'étendue de la peine; ayons uniquement les yeux sur le bien qui doit en résulter. Le nombre des adversaires, vous le voyez, n'ébranle pas l'Apôtre, ne le fait pas hésiter; la porte étant grande ouverte, il y demeure, il continue l'œuvre qui prospère. Je l'ai dit, c'est un signe que le diable est spolié. Ceux qui ne font que peu de choses et le font mal n'ont pas à craindre d'irriter cette bête féroce. Quand donc un juste se présente à vous accomplissant de grandes œuvres et subissant mille douleurs, ne vous en étonnez pas.

Il faudrait s'étonner, au contraire, si le diable, recevant des blessures incessantes, demeurait en repos et ne bondissait pas sous le coup. Car, enfin, on ne doit pas s'étonner qu'un serpent, harcelé de blessures continuelles, devienne furieux et cherche à se venger. Or, il n'est pas de reptile plus dangereux que le démon; il s'en prend à tous, se dressant comme un scorpion et dardant son aiguillon venimeux. Que cela ne vous jette pas dans le trouble; quand on revient de la mêlée, après avoir même remporté la victoire, il est impossible qu'on ne soit couvert de sang, et souvent qu'on ne soit blessé. Lors donc que vous voyez un homme qui fait de larges aumônes et pratique toutes les autres vertus, brisant ainsi la puissance du démon, tomber ensuite dans les épreuves et les dangers, ne vous laissez pas abattre; les épreuves s'expliquent par les coups vigoureux portés à l'ennemi. - Et pourquoi, me direz-vous peut-être, Dieu permet-il cela ? — Pour que l'homme reçoive de plus brillantes couronnes, et le diable une plus humiliante défaite. Celui qui ne cesse de bénir Dieu, parce qu'il est dans la souffrance tout en faisant le bien, terrasse le démon.

C'est une grande chose d'être charitable et vertueux au sein même de la prospérité; mais cette conduite est bien plus honorable encore, quand on n'en dévie pas dans le malheur. On prouve alors qu'on agit purement pour Dieu. Quels que soient donc, mes bien-aimés, les dangers et les maux que nous aurons à subir, redoublons de courage dans les labeurs de la vertu.

Ce n'est pas ici le temps de la récompense. Ne demandons pas les couronnes ici-bas, de peur que les couronnes et la récompense ne nous soient refusées quand le moment sera venu. Les artisans qui se nourrissent eux-mêmes durant l'exécution de leur travail, reçoivent à la fin une rémunération plus grande : ceux qu'on est obligé de nourrir l'amoindrissent d'autant. Il en est de même des saints: celui qui pratique sans cesse le bien et souffre le mal, sera doublement récompensé, puisqu'on tiendra compte de ses souffrances comme de ses bonnes œuvres ; mais celui dont la vie s'écoule dans le bien-être et le repos, n'aura pas plus tard d'aussi splendides couronnes. Je le répète donc, ne cherchons pas maintenant la récompense ; réjouissons-nous plutôt d'être persécutés dans l'accomplissement du devoir. Dieu nous garde le prix, non seulement des bonnes œuvres que nous aurons faites, mais encore des épreuves que nous aurons supportées.

4. Pour rendre ma pensée plus claire, supposons deux riches miséricordieux et donnant aux pauvres : que l'un demeure riche et n'éprouve pas de revers; que l'autre tombe dans l'indigence, la maladie et l'infortune, rendant toujours grâces à Dieu. Quand ils auront quitté la terre, quel est celui qui recevra la plus belle récompense ? N'est-il pas évident que c'est le second, l'homme accablé de douleurs physiques et morales, par la raison qu'il n'aura pas succombé sous le poids du malheur ? Oui, c'est évident pour tout le monde. Celui-ci est une statue de diamant, un serviteur reconnaissant et fidèle. S'il importe de faire le bien, non dans l'espoir du royaume, mais pour plaire à Dieu, ce que n'égale pas un royaume quelconque, quel est le mérite de celui qui se relâche dans la pratique de la vertu, parce qu'il n'en obtient pas immédiatement la récompense ? Encore une fois, ne nous troublons pas, quand nous voyons un homme qui réunit les veuves et ne cesse de nourrir les affamés, perdre sa maison consumée par les flammes, ou bien éprouver un autre malheur du même genre : c'est de cela même qu'il sera récompensé. Job n'est pas tant admiré pour ses aumônes que pour ses revers. C'est par la même raison que nous estimons si peu ses amis, lesquels cherchaient les récompenses présentes, et se basaient là-dessus pour condamner le juste. Au lieu d'aspirer aux récompenses d'ici-bas, aspirons à devenir pauvres et même mendiants. Ce serait d'une bassesse extrême, quand le ciel nous est proposé, avec tous les biens qu'il renferme, de n'avoir en vue que les choses de la terre. N'agissons pas ainsi; quelque déboire imprévu qui nous arrive, adorons toujours Dieu; suivons le conseil du bienheureux Paul, ayons dans notre maison la cassette des pauvres; qu'elle soit dans le lieu même où nous prions; toutes les fois que vous entrerez pour accomplir ce devoir, déposez d'abord votre aumône, et puis faites votre prière. Comme vous ne voudriez pas prier sans vous être lavé les mains, ne priez pas non plus sans avoir fait une aumône. L'aumône déposée là ne vaut pas moins que l’Évangile suspendu auprès de votre couche.

Notre aumône doit représenter 10% de nos revenus

Si vous ne faites rien, vous avez beau suspendre ce livre, il ne vous sera d'aucun secours; tandis que, possédant cette cassette, vous avez des armes contre le démon, vous donnez des ailes à votre prière, vous sanctifiez votre maison, vous tenez en réserve les aliments du roi. Qu'elle soit placée près de votre lit, et vous n'aurez pas de visions importunes, pourvu qu'elle ne renferme rien provenant de l'iniquité. L'aumône est une chose réelle, qui ne saurait jamais fructifier par la cruauté. Voulez-vous que je vous dise où vous devez prendre pour qu'une pareille collecte vous soit aisée ? Que l'ouvrier, tel que le cordonnier, le corroyeur, le forgeron, un artisan quelconque, quand il a vendu l'objet qu'il a fabriqué, en consacre à Dieu les prémices, les jette dans ce petit trésor, partageant avec Dieu d'une manière bien inégale. Je ne demande pas un grand sacrifice; nous, à qui le ciel est promis, donnons seulement comme donnent les petits enfants des Juifs, des hommes accablés de maux. Je n'établis pas une loi, je ne défends pas de donner davantage; je dis seulement qu'il n'est pas juste d'offrir moins du dixième. Observez, en achetant, la même règle qu'en vendant, la même encore dans le produit de vos terres, dans tous les revenus légitimes que vous percevez. Ce n'est pas aux usuriers que ma parole s'adresse, pas plus aux soldats pillards, à quiconque spécule sur les malheurs d'autrui; Dieu ne veut rien recevoir de leurs mains. Je m'adresse uniquement à ceux qui tirent un profit de leurs justes travaux. Une fois que nous aurons contracté cette louable habitude, s'il nous arrive d'y manquer, nous y serons ramenés par l'aiguillon de la conscience; cette obligation ne nous pèsera plus; nous nous élèverons par degrés à des vertus plus hautes, et, nous étant exercés à mépriser les biens matériels, ayant ainsi retranché la racine même du mal, nous passerons avec sécurité le temps de la vie présente, pour aborder heureusement à celle de l’éternité.
Puissions-nous l’obtenir par la grâce…. etc.