Saint Jean Chrysostome

Homélie 1 sur David et Saül

Alors David se leva et alla couper un pan du manteau de Saül sans que celui-ci s’en aperçoive. Dès qu’il l’eut fait, son cœur se mit à battre très fort parce qu’il avait coupé un pan du manteau de Saül. Il dit à ses hommes : Que l’Eternel me garde de jamais faire une chose pareille et de porter la main sur mon seigneur à qui Dieu a conféré l’onction, car c’est de la part de l’Eternel qu’il a été oint. Par ces paroles, David arrêta ses hommes ; il ne les laissa pas se jeter sur Saül. Le roi sortit de la grotte et continua son chemin.

1.  Quand une tumeur persistante et opiniâtre s'est formée dans notre corps, il faut beaucoup de temps et de soins, beaucoup d'habileté dans l'application des remèdes, pour arriver à la dissiper sans compromettre la vie du malade. La même chose a lieu par rapport à l'âme : lorsqu'on entreprend de guérir radicalement une maladie morale qui s'est fortifiée par une longue durée, une ou deux exhortations ne sauraient y suffire; il faut revenir fréquemment et d'une manière suivie sur le même sujet; et de plus il faut que le ministère de la parole ne soit paralysé ni par la vaine gloire ni par une vaine satisfaction, et qu'il s'inspire uniquement de l'amour du bien. De même donc que nous avons traité des jurements pendant plusieurs jours de suite, sans crainte de vous fatiguer par cette répétition, de même allons-nous, dans la mesure de nos forces, insister maintenant sur ce qui concerne la haine. Le meilleur mode d'instruction, à mon avis, c'est d'entreprendre un sujet et de ne l'abandonner que lorsqu'on a constaté qu'il a produit un résultat dans la pratique. 

Celui qui parle de l’aumône aujourd'hui, demain de la prière, puis de la douceur et puis encore de l'humilité, ne saurait produire dans les auditeurs un effet sérieux, en passant ainsi sans jamais s’y s'arrêter d'une chose à l'autre. Quand on veut obtenir le fruit désiré, il faut avoir un but constant dans ses exhortations, on ne doit pas en changer avant d'avoir acquis la certitude que la vérité dont on est d’abord occupé est enracinée dans les âmes. Voilà comment procèdent ceux qui sont chargés de l'éducation des enfants : ce n'est qu'après leur avoir bien montré les éléments d'une science qu'ils leur apprennent à les combiner.

En vous expliquant dernièrement la parabole des cent deniers et des dix mille talents, je vous ai fait voir à quel point était funeste le souvenir des injures. Cet homme que n'avait pu perdre une dette de dix mille talents, cent deniers le précipitent dans l’abîme, en détruisant le bénéfice du pardon qu'il avait obtenu, en le rendant indigne de la générosité qu'il avait éprouvée ; cette légère somme suffit pour le remettre en cause après la sentence d'absolution, pour qu'il soit jeté dans les fers et condamné à d'éternels supplices. Essayons aujourd'hui d'un nouvel argument. En vous entretenant de la modération et de la mansuétude, nous devrions pour bien faire vous offrir dans notre propre vie l'exemple de cette philosophie sublime, et vous persuader autant par les actes que par les discours. Mais, comme nous sommes bien loin de posséder une telle vertu, nous choisirons un saint personnage, et, le plaçant sous vos yeux, nous rendrons notre exhortation plus persuasive et plus puissante : c'est un modèle de sainteté, un type supérieur, vers lequel nous tâcherons de vous élever et de nous élever nous-même.

Quel est celui que je vous présenterai pour qu'il vous enseigne ces vertus ? Et quel autre qu'un saint à qui le Ciel a rendu témoignage et qui vient à nous avec une telle autorité ? « J'ai trouvé ce David, fils de Jessé, est-il écrit, cet homme selon mon cœur. » I Reg., XII, 14; Act., XII, 22. Du moment où Dieu s'est prononcé, nul besoin de contredire sa parole; il est infaillible dans son jugement, puisqu'un tel juge ne saurait être inspiré par la faveur ou par la haine, mais uniquement par une complète connaissance de l’âme.

Le glorieux témoignage que ce saint a reçu de Dieu n'est pas le seul motif de notre choix; nous lui donnons encore la préférence parce qu'il a vécu sous l'ancienne loi. Que sous la loi de grâce, en effet, il y ait des hommes qui se tiennent en garde contre tout sentiment de vengeance, pardonnent à leurs ennemis et ne rendent pas injure pour injure, il ne faut pas trop s'en étonner après la mort du Christ, après ce grand pardon qui couvre tous les péchés du monde, et quand les hommes sont formés à une si haute philosophie; mais, que sous l'ancienne alliance, quand la loi permettait d'exiger œil pour œil, dent pour dent, quand régnait, en un mot, la peine du talion, un homme ait paru s'élançant par-delà ces limites de la loi pour arriver à la sublimité de l’Évangile, qui n'en serait frappé d’étonnement ? qui ne l'écouterait avec admiration ? Et, d'un autre côté, quelle excuse, quel moyen de justification laissera-t-il à qui refusera de marcher sur ses traces ? Pour que vous soyez mieux en état d’apprécier sa vertu, permettez-moi de reprendre mon discours d'un peu plus haut et de vous signaler les bienfaits dont ce saint personnage avait comblé Saül. Ne pas se venger simplement d'un ennemi qui nous a lésés, ce n'est pas une chose très étonnante; mais ici l'ennemi joint l'ingratitude à la haine : il tente à plusieurs reprises, avec une persistance inouïe, de mettre à mort celui dont il a reçu les plus grands bienfaits, les plus éminents services; et, lorsqu'il tombe entre les mains de ce dernier, qui peut à son gré lui ôter la vie, celui-ci l'épargne et le protège, sachant bien toutefois qu'il continuera les mêmes manœuvres: que peut-on concevoir de supérieur à n cet exemple de modération et de philosophie ?

2. Laissez-moi vous rappeler en peu de mots ce que David a fait en faveur de Saül, en quel temps et dans quelles circonstances. Les Juifs étaient engagés dans une guerre extrêmement périlleuse, tous étaient glacés de frayeur, aucun n'osait lever la tête, le peuple était réduit à la dernière extrémité; chacun avait la mort devant les yeux et regardait le jour présent comme le dernier de ses jours; ils trainaient tous une vie plus misérable que celle des prisonniers renfermés dans les plus noirs cachots; un berger quitte alors ses brebis pour venir à l'armée, également incapable par son âge et par son ignorance d'apporter un utile secours, de prendre part aux fatigues de la guerre; et cependant c'est lui qui s'en charge seul et qui la termine par un succès au-dessus de toute espérance. N'aurait-il pas réussi, qu'il eût mérité de recevoir la couronne pour un pareil acte de courage et de dévouement. Il n'eût pas été merveilleux de voir un soldat dans toute la force de l'âge braver ainsi le danger; il n'eût fait qu'obéir à la loi militaire. Mais un adolescent qui n'était amené là par aucune obligation, que tout le monde détournait même d'une telle entreprise, voilà ce qu'il y a de merveilleux. Son propre frère veut l'arrêter ; le roi lui-même, voyant son extrême jeunesse et l'impossibilité pour cet enfant de braver un semblable péril, lui défend d'aller plus loin: « Tu ne peux pas marcher contre cet homme, parce que tu n'es qu'un enfant, et qu'il est un homme rompu au métier des armes dès sa jeunesse. » I Reg., XVII, 33.

Et malgré cela, sans subir aucune contrainte, encore une fois, de lui-même et sous l'impulsion de son amour pour Dieu, de son dévouement pour sa patrie, se persuadant qu'il avait sous les yeux des brebis effrayées plutôt que des hommes, et qu'il allait attaquer des chiens plutôt qu'une grande armée, il courut avec confiance à la rencontre des barbares. Sa sollicitude pour le roi fut telle qu'il prit soin de le ranimer et de relever son front abattu, même avant le combat et la victoire. Non content de se lui prêter le secours de son bras, avant même d'en venir aux actes, il l'aide efficacement de sa la parole, il lui fait espérer un heureux dénouement; et voici comment il s'exprime: « Que le cœur de mon seigneur ne se laisse pas abattre; car son serviteur ira et combattra contre cet étranger. » Ibid., 32.

Vous semble-t-il que ce soit peu de chose, dites-moi, d'exposer ainsi sa vie sans obligation quelconque, de se précipiter au milieu des ennemis pour quelqu'un qui ne vous a jamais fait aucun bien ? Ne fallait-il pas, quand il eut remporté la victoire, lui décerner les titres les plus glorieux dans des inscriptions publiques, le proclamer sauveur de la patrie, celui à qui on devait, après la grâce divine, le rétablissement et l'honneur de la nation, des fondements de la cité, la vie même de tous les enfants d'Israël ? Quel autre bienfait peut l’emporter sur celui-là ? Ce n'est pas la fortune, la gloire ou la puissance de Saül, c'est sa vie même que David sauve par une telle action; il le rappelle des portes de la mort; autant que le salut peut venir de l'homme, c'est à lui que le roi devra désormais de posséder la couronne et la vie. Comment lui témoignera-t-il sa reconnaissance? A bien considérer la grandeur du service rendu, quand bien même Saül, ôtant de son front la couronne, l'eût placée sur le front de David, la récompense n'aurait pas encore été suffisante; il fût toujours demeuré son débiteur, puisque, lui devant la couronne et la vie, comme vous venez de l'entendre, c'est la couronne seule qu'il lui aurait donnée.

Mais voyons quelle fut en réalité la récompense; voyons comment cet éclatant service fut reconnu. A partir de ce jour, le jeune homme devint l'objet des plus indignes soupçons, d'une injurieuse défiance. Pourquoi ? d'où venait ce sentiment ? Il importe d'en dire aussi la cause. On a beau l'étudier, impossible d'y trouver une ombre de justice. Où trouver, en effet, un juste motif de soupçon chez un homme qui vous a sauvé la vie en exposant la sienne ? Mais venons-en à celui dont se couvre l'inimitié, et là le juste ne vous paraitra pas moins grand que dans sa victoire; la cause pour laquelle il est haï et persécuté ne fait que rehausser sa gloire. Cette cause, enfin, la voici : comme il venait d'enlever la tête du barbare et s'avançait chargé de ses dépouilles, « les femmes sortirent à sa rencontre, formant des chœurs et s'écriant dans leurs chants joyeux : Saül en a frappé mille de sa main, et David en a frappé dix mille. Saül en éprouva du ressentiment et n'eut plus, à compter de ce jour, que des regards soupçonneux pour David. » I Reg., XVIII, 6-9. Expliquez-moi cette conduite, je vous prie. Quand bien même ces acclamations n'auraient pas été conformes à la justice, ce n'était pas une raison pour se déclarer l'ennemi de David; il avait assez manifesté par ses actes la générosité de ses sentiments, en allant de lui-même, en dehors de toute impulsion-le et même de tout conseil, affronter un si terrible danger, pour que désormais il fut exonéré de tout soupçon. Mais les éloges qu'on lui décernait étaient bien mérités, et, s'il faut tout dire, c'est le mérite de Saül, non celui de David, qu’on exagérait de la sorte. Dans tous les cas, le premier eut dû se montrer heureux de la part qui lui était faite. Pourquoi s'indigne-t-il donc de ce qu'on en fait une plus grande à David ? Si le roi avait contribué de sa personne, peu importe dans quelle proportion, à terminer la guerre, le langage des femmes d'Israël eut paru motivé : mille à Saül, dix mille à David. Mais, puisque le monarque s'était tenu dans sa maison, saisi de crainte et de frayeur, attendant la mort d'un jour à l'autre, tandis que le jeune homme accomplissait seul ce haut fait, n'est-ce pas une chose révoltante de voir un homme s'irriter et se plaindre de sa part d'éloges, quand il n'a rien fait pour éloigner le péril ? Si quelqu'un avait le droit de se plaindre, c'était bien plutôt David, puisqu'on lui ravissait en faveur d'un autre une partie de la gloire qu'il avait seul méritée.

3. Je ne m'arrête pas à ces choses; je dirai seulement : Eh bien, soit, les femmes s'étaient là montrées injustes, elles méritaient d'être blâmées et condamnées; mais qu'importe à David ? Ce n'est pas lui qui leur avait transmis les paroles qu'elles chantaient, ce n'est pas lui de qui leur dictait de telles expressions ou qui avait organisé ce triomphe. S'il fallait donc s'indigner, c'était contre les femmes et non contre le bienfaiteur du peuple entier; il méritait plutôt mille couronnes. C'est néanmoins contre David que se dirige exclusivement la colère de Saül. Si ce jeune homme encore, enivré de tant d'applaudissements, s'était élevé contre le monarque, avait outragé sa personne ou bravé son autorité, il eût paru justifier cette haine; mais, s'il se montra plus humble et plus doux, s'il se tint en toute chose au rang des sujets, quel motif plausible pouvaient avoir les plaintes dont il était l’objet ? Sans doute, quand un homme qu'un prince honore oublie le respect qu'il doit à ce dernier, abuse même de ses honneurs pour l'insulter sans relâche, on a bien quelque droit de se plaindre de lui; mais s'il témoigne toujours le même respect, mieux que cela, s'il n'en est que plus respectueux et plus docile, quel prétexte alors fournir à l’inimitié ? N'aurait-il donc plus rien fait de remarquable, David méritait déjà une vive et complète affection de ce qu'il s'était renfermé dans les bornes de la modestie et de la vie privée, quand une telle occasion s'offrait à lui de s'emparer du trône. Son humilité résiste, non seulement à ses premières actions, mais encore à celles qu'il accomplit par la suite et qui sont de beaucoup supérieures.

Quelles sont ces actions dont je veux parler ? « David était prudent dans toutes ses voies, et le Seigneur tout-puissant était avec lui; tout Israël et tout Juda aimaient David, parce que ses allées et ses venues se passaient à la face du peuple, et Melchol, fille de Saül, l'aimait aussi. Il l'emportait par sa sagesse sur tous les serviteurs de Saül; et son nom était extrêmement honoré. Et Jonathas, fils de Saül, avait pour David la plus vive affection. » I Reg., XVIII, 14-30, 2. Et cependant, bien qu'il se fût ainsi concilié la faveur de tout le peuple et de la famille du roi, bien qu'il fut toujours victorieux dans la guerre et que le succès ne lui fit jamais défaut; malgré ce crédit universel que lui conciliait sa noble conduite, il ne leva pas le front, il n'affecta pas la couronne, il ne se vengea pas de son ennemi; il continua simplement le cours de ses bienfaits et de ses triomphes. Quel est l'homme assez cruel, assez inhumain pour ne pas renoncer à sa haine et repousser tout sentiment d'envie devant une telle conduite?

Eh bien rien de tout cela ne toucha le cœur ulcéré de Saül; fermant les yeux à l'évidence, l'âme entièrement obsédée par la jalousie, il persistait à vouloir faire périr le jeune homme. Et que faisait ce jeune homme ? car c'est là ce qu'il y a de plus remarquable et de plus beau. Il jouait de la harpe pour apaiser la fureur du roi. «La main de David touchait chaque jour les cordes de l'instrument, et celle de Saül tenait la lance. Or Saul leva cette lance et dit: Je percerai David ; et l'arme alla se fixer contre le mur; et David disparut de sa face pour la seconde fois. » Ibid., 10-11. Peut-on ajouter quelque chose à cet excès de perversité ? Peut-être, et c'est ce qui vient ensuite dans l'historien sacré. Ainsi donc ce jeune héros qui avait chassé les ennemis et sauvé l’État, dont tout le monde célèbre la victoire par des sacrifices; ce bienfaiteur, ce sauveur de la nation, celui à qui on était redevable de tant de biens, Saül veut le tuer quand il s'efforce encore de lui faire du bien par son chant; le délire de la fureur étouffe dans le cœur du roi la voix de la reconnaissance : deux fois il tente de percer David. Voilà le prix qu'il lui réservait pour tant de périls affrontés. Et ce n'est pas ici l'action d'un moment, c'est une idée constante. Et, malgré cela, le saint continuait à s'occuper des intérêts du monarque, à braver pour lui de nouveaux dangers, à réclamer sa part de tous les combats, à sauvegarder aux dépens de sa propre vie celle de son meurtrier; il ne prononçait pas une parole, il ne faisait pas une action capable de contrister cette bête féroce, il prévenait ses désirs, il lui témoignait une soumission sans bornes; bien que sa victoire fût demeurée sans récompense et qu'on eût oublié ses dangers, il ne faisait pas entendre une plainte, ni devant les soldats ni devant le monarque; ce qu'il faisait ce n'est pas pour une récompense humaine, c'est pour la gloire des cieux. Ce qu'il y a d'admirable dans sa conduite, ce n'est pas seulement qu'il ne demande rien, c'est encore qu'il refuse quand enfin on songe à le récompenser; telle est la modestie dont il nous donne l'exemple.

Après avoir vainement essayé de tous les moyens pour le faire périr, Saül lui dresse un nouveau piège en le mariant avec sa fille; c'est une étrange dot qu'il invente pour la fiancée. « Le roi ne veut pas de dot, est-il écrit; c'est cent têtes d'ennemis qu'il exige.» Ibid., 25. Voici sa proposition : Immolez cent hommes, et je tiendrai ma fille pour dotée. - Sous ce langage il cache le désir de l'exposer aux coups des ennemis par l'attrait du mariage. Mais David, jugeant tout avec la sagesse de sa modestie, refuse cette alliance. Non qu’il redoute le danger, qu'il tremble à la pensé l'une nouvelle lutte ; c'est qu'il se croit indigne le cette alliance royale; il répond donc en ces termes aux serviteurs de Saül : « Est-ce à vos yeux une chose de peu d'importance que je devienne gendre du roi, moi d'une condition si humble et si obscure ? » Ibid., 23. Cette alliance était méritée cependant, c'était la juste récompense et prix de ses hauts faits; mais son âme était si modeste qu’après tant de nobles labeurs, une aussi belle victoire et la promesse la plus formelle, il se jugeait encore indigne d'un bonheur auquel il avait tant de droits et qu'il devait acheter par de nouveaux périls. Les ennemis étaient vaincus, la fille du roi était sa femme, « et David jouait encore de la harpe, et Saül cherchait à le frapper de nouveau, et lança même contre lui son arme; mais David éluda le coup et la lance alla s'enfoncer dans le mur. » I Reg., XIX, 9-10. Quel est l'homme, de quelque philosophie qu'il soit doué, qu'une telle barbarie n'enflammerait pas de colère, et qui n'aurait pas frappé le meurtrier dans cette circonstance, n'eût-ce été que pour garantir sa propre vie ? On n'aurait certes pas traité cela d'homicide, la latitude accordée par la loi n'aurait pas même été atteinte. La loi permettait d'exiger œil pour œil; et, s'il eût tué son ennemi, David n'aurait fait que donner la mort une fois, lorsque par trois fois, sans raison aucune, on avait dirigé contre lui le coup mortel. Il ne tenta néanmoins rien de semblable; il aima mieux fuir, s'éloigner de sa maison paternelle, mener une vie errante, sans asile assuré, se voir sans cesse aux prises avec l'infortune et la nécessité, que de s'exposer à porter la main sur le roi. Sa préoccupation n'était pas de se venger, mais plutôt de guérir le mal qui rongeait le cœur du monarque. C'est pour cela qu'il se dérobe à sa vue, voulant apaiser ainsi sa colère, dissiper sa jalousie, cicatriser enfin sa blessure. Mieux vaut, se dit-il, que je sois malheureux, que j'endure mille souffrances, si je puis à ce prix l'exempter auprès de Dieu d'avoir trempé ses mains dans le sang innocent.

Ne nous contentons pas d'écouter ces choses, mais tâchons encore de les imiter, soyons prêts à tout faire et à tout souffrir pour détruire dans le cœur de nos ennemis tout sentiment de haine; ne cherchons pas s'ils ont tort ou raison de nous haïr, n'ayons pas d'autre but que de changer leurs dispositions à notre égard. Le médecin ne se propose que de guérir son malade, sans se demander s'il a contracté la maladie par sa faute ou non. Vous êtes le médecin de celui qui vous a blessé, occupez-vous donc uniquement d'enlever le mal dont il souffre. Voilà ce que fit le saint dont nous parlons; en préférant l’indigence aux richesses, le désert à la patrie, les labeurs et les dangers à une vie calme et paisible, un perpétuel exil au bonheur du foyer domestique, il voulait apaiser l'âme de Saül et la guérir de son amertume. Celui-ci n'en devint pas meilleur ; il persistait dans sa colère, il allait partout à la poursuite de celui qui, bien loin de lui faire aucun mal, ne cessait de se venger de l'injustice par de nouveaux bienfaits. Et voilà que le persécuteur tomba sans s'en douter dans les filets de la victime. «Là se trouvait une grotte, et Saül y entra pour se reposer. Or David avec ses compagnons était assis au fond de cette même grotte. Ces hommes dirent alors à David: Voici le jour dont le Seigneur a dit : Je livrerai l'ennemi dans tes mains, et tu feras de lui ce que tu voudras. Et David se leva et coupa secrètement la frange de la chlamyde de Saül. Puis David se reprocha dans son cœur d'avoir ainsi déchiré le vêtement du roi, et il dit à ses hommes : Que le Seigneur me préserve d'accomplir cette parole envers mon maître, l'oint du Seigneur, et de porter la main sur lui, parce qu'il est l'oint du Seigneur. » 1 Reg., XXIV, 4-7.

Vous le voyez, les filets étaient tendus, la proie s'y trouvait engagée, le chasseur était debout, tous l'exhortaient à plonger le fer dans le cœur de son ennemi. Considérez maintenant, je vous prie, la philosophie de cette âme, suivez du regard la lutte, la victoire, le triomphe. Oui, cette grotte était une lice, et là se livrait un combat étonnant, inouï : David était d'un côté, la vengeance était de l'autre, au milieu se trouvait Saül, l'enjeu du combat; au-dessus, Dieu, le suprême agonothète. Ajoutons que David avait à lutter, non seulement contre lui-même et les suggestions de ses propres passions, mais encore contre les soldats qui étaient présents. En supposant qu'il voulut réprimer sa colère et pardonner à son persécuteur, il avait tout à craindre de ces hommes, qui pouvaient aller jusqu'à le tuer dans la grotte pour avoir trahi leurs intérêts et compromis leur salut en épargnant leur ennemi commun. Il faut croire qu'ils se disaient dans leur ressentiment, chacun à part : Nous sommes exilés et fugitifs, sans maison et sans patrie; renonçant à ces biens comme à tous les autres, nous partageons tes dangers et tes malheurs; et, quand l'auteur de toutes ces infortunes vient à de tomber dans tes mains, tu veux le laisser échapper, afin que nous n'ayons jamais un instant de relâche, tu sacrifies le salut de tes amis à celui d'un mortel ennemi ! Est-ce là de la justice ? S'il te plait d'exposer ta vie, ménage du moins la notre. Ne ressens-tu donc pas les injures passées ? Ne te souviens-tu pas des maux et qu'il t'a causés ? Frappe-le en prévision de l'avenir et pour que nous n'ayons pas à supporter des maux plus grands et plus intolérables - Il est possible qu’ils n’aient pas parlé ainsi, mais de telles pensées et d'autres encore roulaient certainement dans leur esprit.

4. Le juste ne s'arrêtait à rien de tout cela; il n'avait qu'une chose en vue : comment il pourrait ceindre la couronne de la patience, et suivre les es inspirations d'une philosophie sublime jusque-là sans exemple. Il n'eût pas été aussi beau de sa part d'épargner son persécuteur s'il l'avait rencontré seul et sans témoins; la présence des soldats augmente singulièrement son mérite, en opposant un obstacle de plus à l'exercice de sa philosophie. Nous le savons par expérience : parfois nous aurons résolu d'étouffer notre ressentiment, de pardonner une injure; mais d’autres venant alors nous exciter à la vengeance, nous abandonnons cette généreuse pensée, nous laissant influencer par leurs paroles. Ce juste n'agit pas ainsi, il persévéra dans sa résolution, malgré les excitations et les conseils de ceux qui l'accompagnaient. Et ce qu'il y a d'admirable, ce n'est pas seulement qu'il ait repoussé leurs conseils et bravé leur colère, c'est encore qu'il les ait amenés à partager ses nobles sentiments. C'est beaucoup certes qu'un homme commande à ses propres passions; mais c'est beaucoup mieux qu'il parvienne à gagner les autres à sa manière de voir, lorsque surtout il a devant lui des hommes qui ne connaissent ni la modération ni la réserve, des soldats qui n'ont devant les yeux que les lois impitoyables de la guerre, que mille fatigues ont poussés au désespoir, qui veulent au moins un instant de répit, et qui voient la fin de tous leurs maux dans la mort d'un ennemi.

La fin de tous leurs maux, ce n'est pas même assez dire ; ils y voient en outre l'acquisition des plus grands biens, puisque, Saül une fois mort, plus rien n'empêche que David monte sur le trône. Et cependant, quand tout se réunissait ainsi pour aigrir les soldats, le juste trouva dans sa générosité la force de renverser tant d'obstacles et d'obtenir que l'ennemi fût épargné. Il importe de prêter une plus grande attention à l'avis donné par les soldats; car la perfidie dont il est empreint fait ressortir davantage l'inébranlable fermeté de leur chef. Ils ne disent pas : Voilà l'homme qui vous a fait tant de mal, qui n'aspirait qu'à verser votre sang, qui nous a suscité tant de dangers et de traverses. Non; voyant que David n'y songe nullement, ne tient aucun compte des injustices commises contre lui, c'est du ciel qu'ils font en quelque sorte descendre leur pensée : « Dieu l'a livré dans vos mains, » lui disent-ils, pensant qu'il respectera le jugement de Dieu même, et qu'il frappera dès lors sans pitié - Est-ce votre cause que vous allez venger ? C'est celle de Dieu que vous prendrez en main, et vous ne ferez qu'exécuter sa sentence. — Mais, plus on le pressait par de telles paroles, plus il s'affermissait dans sa généreuse pensée; car il était persuadé qu'en lui livrant son ennemi, le Seigneur avait voulu lui fournir l'occasion de pratiquer une plus haute sagesse. Et vous aussi, mon bien-aimé, s'il arrivait que votre ennemi tombât dans vos mains, voyez en cela non une occasion d'exercer la vengeance, mais le moyen de fournir un grand exemple de vertu. C'est quand nous sommes maitres de nos ennemis qu'il est surtout beau de les épargner.

Quelqu'un me dira peut-être : Quoi de grand, quoi d'admirable à pardonner quand vous avez le pouvoir sur vos ennemis ? Beaucoup de rois, même parmi les idolâtres, quand ils étaient parvenus au souverain pouvoir, ont regardé comme indigne de leur élévation tout acte de vengeance contre ceux qui les avaient antérieurement lésés; c'est la hauteur même de leur position qui leur conseillait la clémence. - Mais ce langage ne s'applique en rien au fait présent. David n'était pas encore monté sur le trône, n'était pas en possession de la royauté, quand il épargna Saül tombé tout-à-coup dans ses mains; il n'est donc pas possible de dire que la grandeur de sa position dissipa sa colère. Il savait bien que l'ennemi sauvé par lui retournerait aux mêmes errements, continuerait à le persécuter avec une rage toujours croissante; mais ce ne fut pas une raison pour lui de l'immoler. Ne comparons donc pas ce juste aux rois étrangers. Ces derniers font grâce parce qu'ils sont désormais entourés des plus fortes garanties et qu'ils jouissent d'une sécurité profonde : celui-là jouait sa propre vie en sauvant celle d'un persécuteur implacable; il la sauva néanmoins, sourd à toutes les raisons qu'il avait d'y mettre un terme. Tout conspirait à le persuader de recourir au glaive, l'isolement du roi, les paroles de ses compagnons, le souvenir du passé, la crainte de l’avenir; et ajoutez à cela qu'en tuant un ennemi il n'encourait pas le reproche d'avoir commis un meurtre, qu'en frappant même il n'aurait pas usé de toute la rigueur de la loi; et que d'autres motifs plus puissants encore le poussaient à se montrer impitoyable ! Rien de tout cela ne put l'ébranler; plus ferme que le diamant, il demeura inébranlable dans sa sublime philosophie. Ne me dites pas qu'il n'éprouva nullement le choc des passions qui eussent pu l'assaillir dans une telle circonstance, que ce fut là de l'insensibilité et non de la philosophie. Voyez plutôt à quel point la victoire dut lui coûter.

Les faits eux-mêmes vous donnent à comprendre que son âme était comme une mer en courroux, qu'il ne dompta les flots et ne ramena le calme que par la crainte de Dieu. « Il se leva, dit l’Écriture, et coupa secrètement la frange de la chlamyde de Saül. » Ne voyez-vous pas la tempête intérieure qui se déchaîne ? Mais il ne lui sera pas permis d'aller plus loin et d'amener le naufrage; dès qu'il sent l'approche du danger, le pilote se met à l'œuvre, - je désigne ainsi la raison guidée par la piété, — et la sérénité succède à l'orage. « David comprime les mouvements de son cœur, » il dompte la colère, bondit avec fureur.

5. Voilà bien les âmes des saints: avant de tomber, elles se redressent; avant d'arriver au péché, elles s'imposent le frein; car elles pratiquent sans cesse la vigilance et la sobriété. Quelle différence toutefois entre le vêtement et le corps lui-même ! Et David dut se faire violence pour ne pas aller au-delà du premier et va se reprocha d'une manière sévère ce qu'il avait il déjà fait. « Il déplora dans son cœur d'avoir enlevé la frange de la chlamyde, et il dit aux soldats: Que le Seigneur détourne cela de moi. » I Reg., XXIV, 6. Que signifie cette dernière parole ? Que le Seigneur ait pitié de moi, si j'étais tenté de vouloir la même chose; que Dieu ne me permette jamais de l'accomplir, ne souffre pas que je tombe dans ce crime. Comme il voyait en même temps que la modération dans de telles circonstances dépassant les forces de la nature humaine, ne saurait exister sans le secours d'en haut, et que lui-même avait été sur le point de donner la mort, il prie le Seigneur de lui conserver les mains pures. Est-il possible d'imaginer quelque chose de plus doux a que cette âme ? Le nom d'homme convient-il à celui qui rivalise avec les anges, quoique retenu dans les liens de notre mortalité ? C'est ce le que n'exigeraient pas les lois divines. Et quel est celui, dites-moi, qui se déterminerait aisément à faire une semblable prière à Dieu ? Que dis-je même, une semblable prière ? Où sont ceux qui s'abstiendraient sans un violent effort de prier pour obtenir vengeance des injures qu'ils ont reçues ? La plupart des hommes, en effet, en viennent à ce point de férocité qu'étant trop faibles pour nuire à ceux qui leur ont fait du mal, ils osent demander à Dieu de leur venir en aide et de leur fournir les moyens de satisfaire leur ressentiment. Le juste dont nous parlons fait une prière diamétralement opposée et demande à Dieu de lui ôter toute pensée de vengeance, en disant : « Que le Seigneur ne me permette pas de porter la main sur cet homme.» Ibid. Il parle de son ennemi comme il eût parlé de son enfant, d'un fils tendrement chéri.

Il ne se contente pas de l'épargner, il excuse même la conduite de son persécuteur; et voyez avec quelle prudence, avec quelle habileté : ne pouvant pas, dans la vie de ce dernier, trouver quelque chose de bien qui lui permit de dire qu'il n'avait eu rien à souffrir de la part de cet homme et qu'il n'avait rien à lui reprocher, vu que les soldats présents n'auraient pas manqué de repousser une telle assertion, eux qui savaient par expérience la méchanceté de Saül, il va par un autre chemin, cherchant une justification acceptable. Il ne saurait la trouver dans la vie du roi ni dans ses actes; c'est à sa dignité qu'il a recours. quand il ajoute : « Car il est l'oint du Seigneur. »

Que dites-vous ? Dites donc plutôt que c'est le un homme inique, un vil scélérat, couvert de mille crimes, l'auteur de tous nos maux, n'aspirant qu'à notre perte. — Mais il est roi, il commande à la nation, il exerce sur nous le le souverain pouvoir. — Et toutefois David n'invoque pas ce titre de roi. Quel est donc le titre qu'il invoque ? « Il est l'oint du Seigneur. » Ce n'est pas à la grandeur humaine, c'est au jugement même du Ciel qu'il a recours pour inspirer le respect. - Vous méprisez un serviteur comme vous ? Respectez au moins le Maître. Vous n'avez aucun égard pour le ministre ? Redoutez plutôt celui dont il est le représentant. Si les représentants de l'autorité royale, alors même qu'ils nous sont connus comme des prévaricateurs, des voleurs, des hommes de pillage et d'injustice, des hommes indignes, en un mot, nous inspirent cependant une sorte de respect mêlé de crainte; si nous leur témoignons, au lieu du mépris que mériterait leur perversité, la déférence que nous accordons à celui dont ils tiennent la place, à plus forte raison devons-nous agir ainsi quand c'est l'autorité divine qui se trouve en jeu. Dieu n'a pas encore dépouillé cet homme de son pouvoir et ne l'a pas rejeté dans la vie privée. Ne renversons donc pas l'ordre, et n'entrons pas en guerre avec Dieu, de peur de justifier en nous-mêmes ce qu'un apôtre a écrit : « Quiconque résiste à la puissance, résiste à l'ordre de Dieu; et tous les hommes de révolte attirent sur eux la damnation. » Rom., XII, 2. Non seulement David donne à Saül le titre de oint, mais il l'appelle encore son maître. Or ce n'est pas le signe d'une médiocre philosophie d'employer un langage respectueux et digne en parlant d'un ennemi. Voulez-vous vous en convaincre, voyez ce qui se passe communément. La plupart ne daignent pas même prononcer Ie nom pur et simple d'un ennemi, ils recourent à d'autres termes propres à rendre leurs sentiments haineux : le scélérat, le fou, l'extravagant, le lâche, le pestiféré, et beaucoup d'autres du même genre. Qu'il en soit ainsi, je puis le prouver par un exemple qui ne m'oblige pas à remonter bien haut et que j'ai là sous la main, par l'exemple de Saül lui-même, qui ne consentait pas, dans son implacable fureur, à prononcer le nom de David, et qui, le réclamant dans un jour de fête, disait : « Où est le fils de Jessé? » I Reg., XX, 27. Il le désignait ainsi, et parce que le nom du juste lui était odieux, et pour montrer la bassesse de son origine; il voulait donc par là le rabaisser et le flétrir, ne comprenant pas qu'un homme est noble et grand, non par la gloire de ses aïeux, mais par l'élévation de son âme. Autre fut la conduite du bienheureux David : il ne désigna pas le roi par le nom de son père, quoique Saül tut lui-même d'une humble et basse extraction; ce n'est pas même simplement par son nom, c'est par sa dignité, par son caractère royal qu'il le désigna; tant cette âme était pure de tout ressentiment. Marchez sur ses traces, mon bien-aimé, apprenez avant tout à ne jamais donner à votre ennemi des qualifications injurieuses, à n'employer envers lui que des termes respectueux. Si la bouche s'est fait une loi de parler avec cette réserve de celui qui vous a blessé, l'âme ne demeurera pas sourde à cette sage leçon, et l'idée d'une réconciliation ne tardera pas à s'en emparer : la parole est un baume précieux qui se répand sur les blessures du cœur.

6. Ce discours a donc pour but, non seulement de faire l'éloge de David, mais encore de nous exciter à l'imiter. Que chacun donc se retrace à lui-même dans le fond de son cœur les diverses circonstances de cette histoire; qu'il se représente par la pensée, comme un peintre le ferait avec son pinceau, le double aspect de la grotte : d'un côté, Saül plongé dans le sommeil et gisant, tel qu'un prisonnier chargé de fers, aux pieds de celui qui pouvait élever contre lui de si graves plaintes; d'un autre côté, David le tenant en quelque sorte sous sa main, les soldats groupés autour de leur chef et l'excitant à la vengeance. Voyez ce bienheureux pratiquant la philosophie la plus sublime, réprimant son propre courroux, maitrisant la fureur de ces hommes et protégeant un ennemi coupable de tant de crimes. Ne nous bornons pas à méditer là-dessus dans notre âme, faisons-en le sujet constant de nos entretiens; remettons fréquemment ce récit sous les yeux de notre femme et de nos enfants. La conversation tombe-t-elle sur la royauté, c'est un roi que vous avez devant vous; s'agit-il des armées, des intérêts de la famille, des affaires de l’État, de pareils sujets se présentent avec abondance dans les pages des Livres saints, et tous vous offrent les plus grands avantages. Impossible, en effet, impossible que l'âme se nourrisse de tels souvenirs et se laisse dominer par les passions.

Ne perdons pas un temps précieux, ne consumons pas vainement la vie dans des soins inutiles et frivoles ; formons-nous plutôt à l'école des hommes généreux, revenons sans cesse sur les faits qu'ils ont accomplis, et toujours dans le même but. Si quelqu'un dans vos réunions veut parler des théâtres, des hippodromes, ou de tout autre objet également inutile pour vous, détournez-le d'une telle conversation, et tachez d'en introduire une toute différente, qui serve à purifier les cœurs et qui vous procure un plaisir exempt de tout danger. C'est ainsi que nous concevrons à l'égard de ceux qui nous ont offensés des sentiments de paix et de mansuétude, que nous pourrons quitter la terre sans avoir un ennemi, et que nous obtiendrons enfin les bien éternels par la grâce et l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui gloire dans tous le siècles.

Ainsi soit-il.