Saint Jean Chrysostome

Psaume 46

« Peuples, battez tous des mains, faites retentir des chants d’allégresse à la gloire de Dieu. »

1. Ce psaume a le même objet que le précédent, il redit les victoires et les triomphes que le peuple de Dieu a remporté sur ses ennemis et invite tout l’univers à célébrer d’aussi grands bienfaits. » Mais ce début, cette invitation, ces battements de mains, ces applaudissements, ces cris de joie paraîtront peut-être indignes de l’Esprit de Dieu. Ceux qui viennent dans le lieu saint recevoir les divins enseignements, me dira-t-on, ne peuvent, sans compromettre leur dignité, de prêter à des applaudissements, à des battements de mains qui ne conviennent qu’au théâtre et aux banquets. Les hommes élevés dans l’école de l’Esprit-Saint doivent se faire remarquer par le calme, l’ordre, la modération.

Que signifient donc ces applaudissements et ces cris de joie ? Que faut-il entendre par là ? Rien d’autre chose qu’une démonstration d’allégresse et un symbole de victoire. Dans un autre psaume, le roi-prophète représente les fleuves eux-mêmes applaudissant et frappant des mains : « les fleuves battront des mains en signe d’applaudissement. »  Nous voyons dans Isaïe les arbres eux-mêmes présenter des signes d’allégresse. Et dans le roi-prophète encore, les montagnes et les collines tressaillir et bondir de joie. Nous ne devons voir dans ces métaphores que la joie portée à l’excès.

Mais pourquoi le roi-prophète ne dit-il pas : réjouissez-vous et tressaillez d’allégresse, mais applaudissez et poussez des cris de joie ? Pour nous faire comprendre que c’est une joie qui ne connaît pas de bornes. Quand Notre Seigneur Jésus-Christ nous fait cette recommandation : « Quand vous jeûnez, parfumez votre tête et lavez votre visage », il ne nous commande pas de nous parfumer réellement, mais de témoigner à tous la douceur et la joie qui remplissent notre âme car ce qu’il exige de nous, c’est que nous le fassions avec joie, sans affecter un air triste et fâcheux. De même ici, on nous commande, non de battre des mains, mais de nous livrer, en chantant les psaumes, aux sentiments de la joie et de l’allégresse.

Il y a dans les Écritures, des choses qu’il faut certes entendre dans le sens exprimé par les mots, mais d’autres qu’il faut entendre dans un sens différent. Prenons par exemple : « les loups habiteront et mangeront avec les brebis. » Isa. XI, 6. Il ne s’agit pas ici en réalité de loups ou de brebis, ni de paille, ni de taureaux, mais du caractère et des mœurs des hommes figurés par ces animaux. Il est d’autres endroits qu’il faut entendre dans une double acception à la fois littérale et spirituelle, comme l’histoire figurative du fils d’Abraham. Ainsi nous savons que ce fils a été véritablement offert, mais nous savons en même temps que cette oblation renferme un mystère caché, celui de la Croix. De même l’agneau pascal immolé en Égypte est une figure de la passion. Il faut entendre ce psaume de la même manière. « Battez des mains » signifie : tressaillez de joie comme dans St Luc (VI, 23). Il ne veut pas dire sautez, bondissez, ce qui serait peu convenable, il veut simplement exprimer toute la vivacité de cette allégresse. La prédication évangélique a parcouru toutes les contrées que le soleil éclaire, le monde entier à trouvé le salut, et ceux qui vivaient auparavant dans les erreurs les plus grossières ont embrassé une religion très supérieure même aux institutions et au culte des Juifs. « Nations, frappez toutes des mains. » Oui, applaudissez de ces mains autrefois impures, sacrilèges, souillées chaque jour du sang de ces sacrifices immondes où vous immoliez vos propres enfants, ou vous commettiez des crimes horribles et outragiez la nature elle-même. « Faites retentir à la gloire de Dieu des chants d’allégresse. » De cette même langue qui a proféré des blasphèmes impies, chantez maintenant l’hymne de la victoire. La gloire de ce triomphe revient tout entière à Jésus-Christ, il a achevé lui-même cette guerre redoutable, il a enchaîné le fort et l’a dépouillé de ses armes. Mais dans son immense bonté, il veut que ceux qui n’ont pourtant pas pris part au combat jouissent néanmoins du triomphe et il leur met à la bouche les hymnes de la victoire comme s’ils avaient réalisé des prodiges et triomphé eux-mêmes de leurs ennemis.

C’est pourquoi nous nous écrions tous d’une voix claire : « O mort, ou est ta victoire ? O mort, ou est ton aiguillon ? » I Cor. XV, 55. Lorsque l’armée des Égyptiens fut ensevelie dans les flots, les Juifs chantaient aussi à Dieu cet hymne d’action de grâces pour la victoire qu’ils venaient de remporter : « Chantons des hymnes au Seigneur, parce qu’il a fait éclater sa grandeur et sa gloire. » Exode, XV, 1. Mais notre victoire à nous est bien plus éclatante. Ce ne sont plus les Égyptiens qui ont été submergés, mais les légions infernales; ce n’est point Pharaon qui a été vaincu, mais le démon lui-même. Ce ne sont pas les armes matérielles qui ont été prises, c’est l’iniquité qui a été détruite. Ce n’est pas dans la mer Rouge, mais dans le bain de la régénération que cette victoire a été remportée. Ce n’est point vers la terre promise que nous marchons, c’est vers le ciel. Ce n’est point la manne que nous mangeons, c’est le corps même du Seigneur qui devient notre nourriture. Nous ne buvons pas l’eau du rocher, mais le sang qui a coulé de son côté. Voilà la raison de ces applaudissements, c’est qu’ils se trouvent délivrés de ces travaux pénibles qui les appliquaient à des ouvrages de bois et de pierre. C’est qu’ils se sont élevés jusqu’aux cieux, et au-delà même des cieux, pénétré jusqu’au trône même du roi.  Chantez donc la gloire de Dieu, c’est à dire : offrez-lui un cantique de reconnaissance, renvoyez-lui tout l’honneur de la victoire. Ce n’est plus là une de ces guerres entre les hommes, un de ces combats qui ont pour objet des avantages temporels, ici l’objet du combat c’est la conquête du ciel et des biens qu’il renferme. « Parce que le Seigneur est élevé et redoutable, qu’il est le roi suprême sur toute la terre. » Où sont maintenant ceux qui veulent amoindrir la gloire du Fils unique ? Le Fils est ici appelé le Roi suprême, titre donné aussi au Père. « Ne jurez en aucune sorte, nous dit le Sauveur, ni par le ciel, parce qu’il est le trône de Dieu, ni par Jérusalem, parce qu’elle est la cité du grand Roi. » Matthieu, V, 34-35. Et dans un autre endroit, le même Fils de Dieu est appelé : « le Dieu fort, puissant. » Isa. IX,6.

Quand vous entendez dire que le Seigneur a été attaché à un gibet, qu’il a été crucifié, enseveli, qu’il est descendu dans les parties inférieures de la terre, n’ayez aucune crainte, aucune inquiétude, car il est le Très-Haut, et il l’est par nature. Car ce qui est élevé par nature, ne peut jamais déchoir de cette élévation mais jusque dans son abaissement elle subsiste et se fait sentir. Car c’est justement après sa mort qu’il a éclater toute sa puissance contre la mort.

« La lumière luit dans les ténèbres, dit saint Jean, et les ténèbres ne l’ont point comprise. » Jean, I, 5. C’est ainsi que son élévation s’est manifestée au milieu de ses humiliations volontaires. Voyez-le, jusque dans les enfers où il est descendu, ébranler tout ce qu’il y avait de plus haut dans l’univers : le soleil éclipse alors ses rayons, les rochers se fendent, le voile du temple se déchire, la terre tremble, Judas se pend, Pilate et son épouse sont épouvantés, le juge lui-même cherche à se justifier. Lorsque vous entendez dire encore que le Fils de Dieu a été chargé de chaînes, et cruellement flagellé, n’en soyez pas troublés, mais considérez plutôt la puissance qu’il déploie jusque dans les chaînes. Il leur dit un seul mot : « Qui cherchez-vous ? » et il les renverse à terre. Qu’il est donc redoutable, celui qui, d’une seule parole, d’un seul signe opère de si grands prodiges !

Lors donc que vous le voyez soumis à la mort, rappelez-vous la pierre du sépulcre renversée, les anges demeurant debout dans un profond respect près du tombeau, les portes des enfers brisées, l’empire de la mort détruit, les captifs délivrés, et vous comprendrez combien il est redoutable. Si, au temps même de ses opprobres, il a fait de si grandes choses dans le ciel, sur la terre, dans les enfers, que ne fera-t-il pas lors de son deuxième avènement ?

Écoutez ce que lui disent au temps même de ses humiliations, les démons écumant de rage, brisant leurs liens, rendant les routes impraticables : « Qu’y a-t-il de commun entre vous et nous, Fils de Dieu ? Vous êtes venu nous tourmenter avant le temps.» Matthieu, VIII, 29. Si tel fut alors leur langage, que diront-ils lorsqu’il viendra dans sa gloire, lorsque les puissances des cieux seront ébranlées, que le soleil sera couvert de ténèbres, que la lune ne donnera plus sa lumière ?

Mais plutôt qui racontera dignement toutes les circonstances terribles de ce grand jour, où Dieu enverra ses anges par toute la terre, le bouleversement du monde entier, la terre s’entrouvrant avec fracas, pour rendre les morts qu’elle avait en dépôt, la résurrection de cette multitude innombrable de corps, le ciel se repliant comme un voile ? Qui décrira l’établissement du tribunal redoutable, les fleuves roulant des flots de feu, les livres ouverts, toutes les actions accomplies dans les ténèbres révélées au grand jour, les supplices épouvantables réservés aux coupables, l’aspect menaçant des puissances spirituelles, armées de glaives étincelants et entraînant les pêcheurs dans l’enfer, la destruction de toutes les dignités de la terre, des rois, des généraux, des consuls, des gouverneurs, la puissance des légions d’anges, les essaims presqu'innombrables des martyrs, des prophètes, des apôtres, des solitaires ; en un mot, la distribution de ces récompenses inénarrables, de ces palmes, de ces couronnes, de ces biens immortels qui surpassent toute intelligence ?

Quel discours pourra jamais décrire ces scènes effroyables ! Le prophète retraçant les merveilles de la création succombe sous cette tache, et s’arrête en s’écriant : « Que vos œuvres sont magnifiques o mon Dieu ! » Psaume XCI,6.
Saint Paul, après avoir sondé un seul des mystères de sa providence s’écrie : « O profondeur des trésors de la sagesse de Dieu ! » ROM. XI, 33.

Comment donc rendre la description de ce jour épouvantable ?  Dieu sans doute était auparavant le roi suprême, mais il n’était pas connu (« le monde a été fait par lui, dit l’Évangéliste, et le monde ne l’a pas connu. » Jean, I, 10.m). Et ce qu’il y a de plus admirable, c’est que l’union étroite qu’il a voulu contracter avec nous a fait éclater la grandeur et la puissance de sa royauté.

Se peut-il rien de plus éclatant en effet que d’envoyer par tout l’univers onze pauvres pêcheurs sans instruction, sans éducation, plus muets que les poissons eux-mêmes, n’ayant qu’une tunique pour vêtement, sans chaussures, privés de tout en un mot, et par leur moyen, de soumettre avec autorité tous les hommes à son empire ?

C’est là vraiment se déclarer le roi suprême que de délivrer de ses erreurs le monde entier, d’y établir en si peu de temps le règne de la vérité, de détruire la tyrannie du démon. Avant même d’avoir des sujets pour lui obéir, il était déjà le roi souverain. Il n’exerçait pas son empire sur ses serviteurs, il n’était pas entouré de tout l’appareil de la royauté, mais était roi par nature. « Je suis né roi » dit-il à Pilate (Jean, XVIII, 37.) Voilà le caractère d’un roi véritable, qui n’a pas besoin d’une gloire empruntée, dont la royauté est indépendante et qui fait ce qu’il veut. « Allez, dit-il à ses apôtres, enseigner toutes les nations. » Marc, VIII, 15.
« Je le veux, soyez guéri. » 
« Esprit sourd et muet, je te l’ordonne, sors de cet enfant. » Marc, IX, 24.
« Allez dans le feu éternel qui a été préparé pour ses anges, venez, possédez le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde. » Matthieu, XXV, 41 et 34.

Voyez, partout la même autorité, partout la même puissance. Il a tellement su se rendre maître de ses sujets, qu’il les a persuadé de sacrifier leur vie plutôt que transgresser ses ordres. Les rois de la terre doivent l’honneur qui les entoure à ceux qui sont soumis à leur empire ; celui-là à l’inverse, comble ses sujets d’honneur. Ainsi les uns ne sont-ils rois que de nom, tandis que lui est roi en réalité.

Ô miracle prodigieux ! Il s’est fait adorer de ceux qui l’avaient crucifié et a persuadé ceux qui le poursuivaient de leurs outrages, de verser leur sang pour sa doctrine. Car ce miracle n’est pas l’œuvre des apôtres, mais de celui qui marchait devant eux . 

Comment en effet un simple pécheur ou un fabricant de tentes eut-il pu produire un si grand changement par toute la terre, si les paroles du Sauveur n’eussent pas fait disparaître tous les obstacles ?  Les imposteurs, les tyrans, les rhéteurs, les philosophes, tous ceux qui leur résistaient, ont été dispersés comme la poussière, dissipés comme la fumée ; et ils ont semé la lumière de la vérité, non par la force des armes ou l’influence des richesses, mais par un langage empreint de simplicité. Et quels moyens mettaient-ils en œuvre ? Ils invoquaient le nom d’un crucifié, et la mort était vaincue, les démons s’enfuyaient, les maladies étaient guéries, les corps délivrés de leurs infirmités, l’iniquité contrainte de prendre la fuite, les dangers disparaissaient, la nature était changée.

Lors donc qu’on nous adresse cette question : pourquoi n’est -il pas venu lui-même à son secours sur La croix ? Nous répondrons : parce qu’il a fait quelque chose de bien plus admirable. En effet, c’est un miracle bien plus surprenant que ce crucifié ait ressuscité tant de morts en son nom que s’il fût descendu de la croix. Les événements qui suivirent sa mort nous prouvent que c’est de sa pleine volonté qu’il est resté sur La Croix. Lui qui communique la vie à tout ce qui respire, pouvait a plus forte raison se la conserver lui-même. Et le miracle de la résurrection a trouvé sa preuve dans les faits qui ont suivi. « Il nous a assujetti les peuples, il a mis les nations sous nos pieds. » Le prophète prédit longtemps à l’avance ce que les apôtres diront par la suite : « Pourquoi nous regardez-vous comme si par notre vertu ou notre puissance, nous avions fait marcher cet homme ? » Act. III, 12. Ces paroles « sous leurs pieds » indiquent une soumission absolue. Voulez-vous mesurer l’étendue de cette soumission, écoutez ce que dit l’auteur des Actes : « Tous ceux qui possédaient des champs ou des maisons les vendaient apportaient le prix de la vente et le déposaient aux pieds des apôtres. »  D’autres, au sacrifice de leur fortune ont joint celui de leur vie. « Ils ont exposé leur tête pour me sauver la vie, » dit saint Paul. Rom.,XVI, 4. 

Dans une autre lettre, le mème apôtre écrit : « S'il eût été possible, vous vous seriez arraché les yeux pour me les donner. » Galat., IV, 15. Il écrivait encore aux Corinthiens: "Voyez, en effet, ce qu'a produit en vous cette tristesse selon Dieu que vous avez ressentie quelle sollicitude, quel soin de vous justifier, quelle indignation, quelle crainte, quel désir, quel zèle, quelle ardeur pour punir le crime ! » II Cor., VII, 11, tant les apôtres inspiraient de respect et de crainte! 

Saint Luc écrivait également : « Aucun autre n'osait se joindre à eux, mais le peuple les exaltait. » Act., v, 13.  Et saint Paul écrivait encore : «Lequel aimez-vous mieux, que je vous aille voir la verge à la main, ou que ce soit avec charité et avec un esprit de douceur ? » I Cor. IV, 21.

Vous voyez quelle autorité et quelle puissance dans les apôtres ? Or, ils la devaient tout entière à cette parole que Jésus-Christ leur avait dite lorsqu'il leur donna leur mission : « Voici que je suis avec vous. » Matth., XXVIII, 20. Il éloignait lui-même toutes les difficultés, en marchant devant eux; il aplanissait tous les obstacles et domptait tout ce qui était capable de résistance. De quelque côté en effet qu'on pût tourner les regards, on ne voyait que guerres, écueils, précipices; nul endroit où l'on pût poser le pied et s’arrêter en sûreté. Tous les ports étaient comblés, toutes les maisons fermées, toutes les oreilles sourdes. 

Cependant, aussitôt que les apôtres s'étaient présentés et avaient fait entendre leur voix, toutes les forteresses des ennemis s'écroulaient, à ce point qu'ils étaient disposés à donner leur vie et à supporter des dangers innombrables pour la doctrine qui leur avait été enseignée. 

« Il nous a choisis pour son héritage ; la beauté de Jacob est l’objet de notre amour. 

Une autre version porte : « La gloire de Jacob. » Admirez ici encore l'exactitude de cette prophétie. Le Roi-prophète a dit plus haut : « Il nous a assujetti les peuples. » Les Juifs sont venus les premiers, trois mille d'abord, cinq mille ensuite, et enfin les nations. C'est ce que le Sauveur lui-même avait prédit : « J'ai d'autres brebis, il faut aussi que je les amène, et elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. » Joan., X, 16. 

Mais, comme ces paroles : « Il nous a choisis pour son héritage, » pouvaient produire dans quelques esprits le doute et l'hésitation, et leur faire dire : Pourquoi les Juifs n'ont-ils pas cru ? le Roi-prophète fait disparaître ce doute par un correctif.

Dieu a fait tout ce qui dépendait de lui en nous choisissant pour héritage, et sous ce rapport il n'a oublié personne. Si vous demandez le résultat de ce choix, écoutez la suite : « La beauté de Jacob qui a été l'objet de son amour. » Le Roi-prophète a ici en vue les fidèles dont saint Paul disait : « Non que la parole de Dieu ait été vaine, car tous ceux qui descendent d'Israël ne sont pas tous Israélites, mais c'est Isaac qui sera appelé votre fils. C'est-à-dire, ceux qui sont enfant d'Abraham selon la chair, ne sont pas pour cela enfants de Dieu, mais ce sont les enfants de la promesse qui sont réputés de la race d'Abraham.» Rom., IX, 6-8. 

C'est à juste titre que les fidèles sont appelés la beauté du peuple. Quoi de plus beau en effet, quoi de plus éclatant que ceux qui ont embrassé la foi ? Le Roi-prophète appelle son peuple l'héritage de Dieu, non pour exclure des soins de sa providence les autres nations, mais pour exprimer l'ardent amour qu'il a eu pour ce peuple, l'union étroite qu'il a contractée avec lui, et la sollicitude toute paternelle avec laquelle il veille sur ses intérêts.

Pour bien apprécier l'exactitude du langage du prophète, remarquez comment il emploie les termes ordinairement en usage dans les marchés. La plupart en effet disent d'une chose qu'ils achètent, qu'elle est belle, lorsqu'elle est de meilleure qualité que les autres. David, voulant nous montrer que tous ne seront pas sauvés, emploie cette expression « la beauté de Jacob. »

Cette même vérité est confirmée par une multitude de paraboles de l’évangile:  « Dieu est monté au bruit des acclamations.» Il ne dit pas : «Il a été enlevé, » mais : « il est monté, » pour prouver qu'il n'a eu besoin de personne pour s'élever dans les cieux, et qu’il s'est frayé lui-mème la voie. Elie, qui ne pouvait suivre la mème voie que Jésus-Christ, était conduit par une puissance étrangère à sa nature. Car la nature humaine ne pouvait par elle-mème prendre cette voie. Le Fils unique au contraire est monté par sa propre puissance. C'est ce que saint Luc exprime lorsqu'il dit : « Et comme ils le contemplaient montant vers le ciel. » Act., 1, 10. Il ne dit pas : Il était enlevé  ou il était porté, car c’était lui-même qui s’avançait dans cette voie.

Et qu'y a-t-il d'étonnant qu'il ait pu fendre les airs, lorsqu'il eut repris un corps incorruptible , lui qui avant sa mort sur la croix marchait sur les eaux avec un corps passible et soumis aux lois de la pesanteur ? Mais à quel temps eurent lieu ces acclamations? Qui a poussé ces cris de joie lorsqu'il est monté dans les cieux ? Ce mystère s'est accompli dans le silence et en présence seulement des onze apôtres. Vous voyez qu'il ne faut pas entendre les paroles de l’Écriture dans un sens purement littéral, mais chercher à pénétrer la signification des termes.