Saint Jean Chrysostome
Psaume 49
« Le Seigneur, le Dieu des dieux a parlé, et il a appelé la terre depuis le lever du soleil jusqu'à son couchant. »
1. Le Roi-prophète dit dans un autre endroit : «Dieu s'est tenu dans l'assemblée des dieux , » et un peu plus loin : « Je l'ai dit, vous êtes des dieux. » Psalm. LXXXI, 1-6. Et saint Paul : « Encore qu'il y en ait plusieurs qui soient appelés dieux et seigneurs. » I Cor. , VIII , 5. Moise dit aussi : «Vous ne parlerez point mal des dieux. » Exod. , XXII, 28. Et dans un autre endroit : « Les enfants de Dieu voyant les filles des hommes. » Gen., VI, 2.
Et ailleurs : « Quiconque aura maudit Dieu portera la peine de son péché et le blasphémateur du nom du Seigneur sera lapidé. » Lev. XXIV 15-16. Jérémie dit lui-mème : « Que les dieux qui n'ont point fait le ciel et la terre disparaissent, et qu'on ne les voie plus sous le ciel. » Jer., X, 11.
Quels sont donc ceux dont il est question dans ces divers témoignages, et quels sont ces dieux dont parle ici le prophète ? Ce sont les princes. Aussi après avoir dit: Tu ne parleras point mal des dieux, Moise ajoute : « Et tu ne maudiras point le prince de ton peuple. » Exod., XXII, 28.
Ce nom s'applique encore aux enfants des hommes vertueux. Comme Isaac, pour avoir fait preuve d'une vertu éclatante, fut appelé du nom de Dieu. tous ses descendants et ceux de son frère qui s'allièrent ensemble par des mariages, sont appelés enfants de Dieu, parce qu’ils avaient pour père un homme vertueux. « Ils commencèrent, dit Moïse, à être appelés du nom de Dieu. » Gen., IV, 26. Il veut désigner aussi le peuple juif qui a eu l'honneur d'être appelé de ce nom, comme l'atteste le Roi-prophète : « J'ai dit: Vous êtes tous des dieux, et les fils du Très-Haut. » Psalm. LXXXI , 6. Moïse dit encore ailleurs : « Israël est mon fils premier-né. » Exod. IV, 22. Dieu donnait ce nom à son peuple par un effet de sa bonté pour lui. C'est ainsi que s'expliquent ces paroles : Celui qui aura maudit son Dieu portera la peine de son péché, c'est-à-dire celui qui parle mal du prince se rend coupable de péché. Et celui qui donne le nom de Dieu sera lapidé. » Lev., XXIV, 15; c'est à-dire celui qui attribue le nom du vrai Dieu à ceux qui ne le sont pas. Un crime aussi énorme ne mérite point de pardon, et voilà pourquoi celui qui s'en est rendu coupable est condamné à un si terrible supplice. On appelle encore dieux les dieux des Gentils, non pour les honorer en cette qualité, ni pour consacrer cette appellation, mais pour faire ressortir l'erreur de ceux qui leur ont donné ce nom.
C'est dans ce sens que saint Paul dit : « Encore qu'il y en ait plusieurs qui soient appelés dieux; » I Cor., VII, 5; et il montre ainsi qu'ils ne sont pas dieux, et qu'ils ne méritent mème pas ce nom.
De qui donc le Psalmiste veut-il parler en disant: le " Le Dieu des dieux? » Des dieux des nations, non pas qu'ils existent réellement , mais parce que l'erreur des peuples leur a donné une existence supposée. Les Juifs avaient des tendances matérielles, ils n'étaient pas entièrement affranchis du culte des idoles vers lesquelles ils se sentaient toujours attirés, ils avaient conservé des restes de leurs anciennes iniquités. C'est pour cela que le Roi-prophète cherche à purifier leur esprit de toutes ces erreurs, en leur montrant que Dieu est le souverain maître de tous ces dieux. Il est aussi le maître des démons, je veux dire de leur nature, car ils sont les seuls auteurs de leur malice et de leur perversité.
Or ce psaume me parait se rattacher étroitement au précédent. Nous y voyons également les pécheurs accusés et confondus, avec cette différence que dans le psaume précédent, le Roi-prophète invitait toute la terre à venir l'entendre, et que dans celui-ci il fait appel aux éléments eux-mèmes répandus par toute la terre.
C'est un autre théâtre et un auditoire différent. D'un côté, nous voyons les nations, les habitants de la terre, les riches et les pauvres; de l'autre c'est le ciel et la terre. Dieu lui-mème paraît pour entrer en jugement avec le peuple juif et défendre sa cause devant lui. Il nous faut donc apporter une plus grande attention. Un autre prophète nous a décrit ce même spectacle : il nous représente Dieu venant défendre sa cause, et lui donne pour juges les vallées et les fondements de la terre. « Ecoutez, vallées et fondements de la terre, car le Seigneur entre en jugement avec son peuple, et il se justifiera devant lui. » Mich.VI;2.
Le prophète Jérémie nous dit aussi : « Il entrera en jugement avec vous et avec vos pères. » Jer., II, 9. Dans beaucoup d'autres endroits de l'Ecriture nous voyons ce même style figuré, style vraiment imposant et digne de la bonté de Dieu. Le Roi-prophète peut-il, en effet, nous donner une plus grande preuve de la bonté de Dieu, que de nous le montrer s’abaissant jusqu’à entrer en jugement avec les hommes ? C’est de Sion que vient tout l’éclat de la beauté.
Ces paroles sont à la fois prophétiques et historiques, car même sous l'ancienne loi, la gloire de Dieu s'est manifestée dans Sion. C'est là qu'étaient le temple, le Saint des saints, les cérémonies du culte, les institutions du peuple hébreu, la multitude des prêtres, les sacrifices, les holocaustes, les hymnes sacrés, le chant des psaumes, tout sortait de là et nous offrait une figure détaillée des événements à venir. Lorsque la vérité parut sur la terre, c'est de là aussi que partirent ses premiers rayons; c'est de là que la croix resplendit de tout son éclat, c'est là que s'accomplirent les innombrables prodiges de la loi nouvelle.
C'est ce qui fait dire à Isaïe prédisant les merveilles du Nouveau Testament : « La loi sortira de Sion et la parole du Seigneur de Jérusalem , et le Seigneur jugera les nations. » Isa., I, 3-4. Par Sion, il entend le territoire environnant et la capitale des Juifs, la ville de Jérusalem qui s'étendait à ses pieds. C'est de là que les apôtres s'élancèrent comme des coursiers rapides de la barrière d'un hippodrome pour voler à la conquête de tout l'univers. C'est là qu'ils commencèrent le cours de leurs prodiges, c'est là qu'eurent lieu la résurrection de Jésus-Christ, son ascension, les prémices et les commencements eurent lieu, la résurrection de Jésus-Christ, son ascension, les prémices et les commencements de notre salut; c'est là que commença la prédication des mystères; c'est là que pour la première fois le Père fut révélé, le Fils unique se fit connaître, la grâce de l'Esprit saint se répandit avec abondance. C'est là enfin que les apôtres découvrirent les secrets des vérités incorporelles, des dons, des pouvoirs tout divins, et des promesses des biens futurs. Ce sont toutes ces merveilles que le Roi-prophète appelle l'éclat et la beauté de Dieu. En effet, l'éclat et la beauté de Dieu, c'est sa bonté, son amour et sa bienveillance à l'égard de tous les hommes. « Dieu viendra manifestement, notre Dieu viendra et il ne se taira point. » Vous voyez comme le langage du prophète devient de plus en plus clair, nous découvre des trésors cachés, et répand des rayons plus lumineux lorsqu'il dit : « Dieu viendra manifestement. » Quand donc Dieu est-il venu d'une manière moins manifeste ? Lors de son premier avènement, car il est venu sans aucun éclat, inconnu du plus grand nombre et prolongeant pendant de longues années le mystère de sa vie cachée.