Saint Jean Chrysostome
Homélie 10 sur l'Epître aux Romains
C'est pourquoi, de même que le péché est entré dans ce monde par un seul homme, de même la mort a passé à tous les hommes par ce seul homme en qui tous ont péché.
1. Les médecins habiles ne manquent jamais de rechercher la racine du mal et de remonter toujours à ce qui en est la source : ainsi fait le bienheureux Paul. Il vient de prouver que nous avons été justifiés : le Patriarche, l'Esprit saint, la mort du Christ ont fourni les bases de sa démonstration ; car le Christ ne serait pas mort, si sa mort n'eût pas dû produire notre justification. II en vient ensuite à donner une preuve d'un genre nouveau des points auxquels cette dernière vérité avait servi de base ; et, prenant une marche en sens contraire, partant de la mort et du péché, il se demande comment, par où, la mort a pénétré dans le monde, et de quelle manière elle y a établi solidement son empire. Comment donc la mort a-t-elle pénétré, comment a-t-elle régné sur la terre? Par le péché d'un seul homme. Que signifient les paroles : « En qui tous ont péché ? » Cet homme une fois tombé, ceux-là même qui n'avaient pas mangé du fruit de l'arbre, sont devenus désormais par ce seul fait sujets à la mort. « Même avant le temps de la loi, le péché était dans le monde : or, le péché n'est point imputé lorsqu'il n'y a point de loi. Par les mots : « Avant le temps de la loi, jusqu'au temps de la loi, » quelques interprètes entendent les siècles écoulés avant que la loi eût été promulguée ; les siècles, par exemple, où vécurent Abel, Noé, Abraham , antérieurement à la naissance de Moïse. Quel péché y avait-il en ce temps-là ? D'après les uns, l'Apôtre parlerait du péché qui avait été commis dans le paradis : ce péché, disait Paul, n'ayant pas été expié, aurait porté son fruit; nous lui aurions été redevables de cette mort à laquelle nous sommes tous sujets, et qui fait peser sur nous son joug tyrannique.
Pourquoi l'Apôtre ajoute-t-il : « Or, le péché n'est point imputé, lorsqu'il n'y a point de loi ? » L'opposition des Juifs, veut-il dire, conduit les esprits qui sont d'accord avec nous à se poser cette question : S'il n'y a point de péché là où il n'y a point de loi, d'où vient que tous les hommes qui vivaient antérieurement à la loi ont été enlevés par la mort ? A mon avis, l'explication suivante me paraîtrait tout à fait raisonnable et de nature à rendre clairement la pensée de l'Apôtre. Cette explication, quelle est-elle ? En disant que le péché avait existé dans le monde jusqu'à la loi la pensée de Paul serait que, la loi une fois donnée, la transgression de cette loi aurait été le péché dominant tant que la loi aurait conservé son empire ; « car, s'il n'y a point de loi, ajoute-t-il, comment y aurait-il de péché ?» — Mais, observerez-vous, si le péché résultant de la transgression de la loi avait pour conséquence la mort, d'où vient que les hommes antérieurs à la loi sont tous morts ? Si la mort a sa racine dans le péché , si point de loi, point de péché , de quelle manière la mort a-t-elle fondé son empire ? — Manifestement, ce n'est pas le péché résultant de la transgression de la loi, mais le péché de désobéissance d'Adam qui a été la cause de notre complète ruine. — Comment le prouvez-vous ? — Par le fait de la mort des hommes qui ont vécu avant la loi. « Car la mort, poursuit l'Apôtre, a régné depuis Adam jusqu'à Moïse sur ceux-là mêmes qui n'avaient point péché. » —Comment a-t-elle régné ? « A cause de la ressemblance de la transgression d'Adam, qui était la figure de celui qui devait venir. »
Adam était donc la figure prophétique du Christ. — Comment, la figure ? — De même-que tous les hommes issus d'Adam sont redevables à la faute de leur premier père, quoiqu'ils ne l'aient pas commise, de leur sujétion à la mort; de même les hommes justifiés sont redevables au Christ de la justice qu'il nous a méritée par la croix, bien qu'ils n'aient point donné à leurs oeuvres le caractère de cette justice. De là cette insistance de Paul sur ce point unique ; de là ses répétitions fréquentes : « Comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, par le péché d'un seul beaucoup d'hommes sont morts. Il n'en est pas du bienfait comme de l'unique prévarication primitive... Le péché d'un seul nous a valu notre condamnation Si par le péché d'un seul homme, à cause de ce seul homme, le péché a régné... C'est pourquoi, si par la péché d'un seul... De même que par la désobéissance d'un seul homme, bien des hommes ont été souillés... » Rom., V, 12 et suiv. Il ne cesse de faire entendre ce mot, un seul, afin qu'au Juif qui vous demandera comment la terre a pu être sauvée par les mérités d'un seul homme, du Christ, vous ayez le droit de répondre : Comment, pour la faute du seul Adam, l'univers a-t-il été condamné ? Cependant il existe une différence profonde entre la grâce et le péché, entre la mort et la vie, le diable et Dieu lui-même. Puisque la nature des choses, la puissance du médiateur, les convenances elles-mêmes, car il est plus digne de Dieu de sauver que de punir ; puisque ces trois raisons concourent à nous donner la victoire, quel motif vous reste-t-il pour persister dans votre incrédulité ? Que dans cet ordre de faits il n'y ait rien que de légitime, l'Apôtre nous le démontre en ces termes : « Mais il n'en est pas de la grâce comme du péché ; car, si par le péché d'un seul la multitude des hommes a subi la mort, la miséricorde et le don de Dieu se seront certainement répandus avec plus d'abondance encore sur un plus grand nombre, par la grâce d'un seul homme qui est Jésus-Christ. » Si tels ont été les effets du péché, et du péché d'un seul, quels ne seront pas les effets de la grâce, et de la grâce de Dieu, non seulement de Dieu le Père, mais aussi de Dieu le Fils ? Il est assurément raisonnable de compter sur d'abondantes largesses à ce sujet. Qu'un homme soit puni pour un autre, cela ne semble pas selon l'équité ; mais qu'un homme soit sauvé par un autre, rien de plus convenable, rien de plus conforme à là raison. Si donc la première de ces choses a eu lieu, nous devrons avec plus de raison compter sur la seconde.
2. Qu'il y ait en ceci raison et convenance parfaites, l'Apôtre vient de le démontrer. Ce premier point établi, plus de difficulté pour admettre le second. Qu'il y ait plus de nécessité l’Apôtre va le prouver par ce qui suit. De quelle manière le fait-il ? « Il n'en est pas du don comme du péché de l'homme qui seul avait prévariqué; nous avons été condamnés pour le péché d'un seul, au lieu que nous sommes justifiés par la grâce après de nombreux péchés. » Quelle est la pensée de l'écrivain sacré ? Puisque le péché a pu nous assujettir à la mort et à la condamnation, la grâce a pu non seulement effacer le péché du premier homme, mais encore tous ceux qui ont été commis postérieurement. Il ne faudrait pas, en effet, conclure de ces formules de comparaison, « de même que..., ainsi, » une égalité parfaite entre les biens et les maux, ni que le péché seul d'Adam ait été effacé, parce qu'il nous avait été parlé du premier homme ; aussi l'Apôtre nous déclare-t-il que de nombreux péchés ont été effacés ? Comment ? C’est que malgré les péchés innombrables commis après le péché du paradis, l'œuvre de la justification a été accomplie. Or, là où se trouve la justice, se trouvent infailliblement la vie et des biens sans nombre ; de même que là où se trouve le péché, se trouve infailliblement la mort. La justice est plus que la vie ; car elle est la source même de la vie. Nous sommes donc redevables à la grâce de biens sans nombre et de l'expiation du péché d'origine, en même temps que de l'expiation de tous les autres péchés ; c'est la pensée formelle de Paul dans ces paroles : « Nous avons été par la grâce justifiés de nos péchés si nombreux. » Une conséquence manifeste de ce principe, c'est que la mort, elle aussi, a été complètement détruite. Ce second point ayant encore plus d'importance que le premier, il reste à le mettre en pleine lumière. L'Apôtre a dit en premier lieu : Si tous les hommes ont pu être livrés par un seul péché à la mort, à plus forte raison pourront-ils être sauvés par la grâce d'un seul homme. Il a secondement établi que par la justification tous les autres péchés, en même temps que le péché d'origine ont été effacés; que non seulement ils ont tous été effacés, mais que la justice nous a été donner par la même ; enfin, que le Christ nous a fait infiniment plus de bien que le premier homme ne nous avait fait de mal. Des propositions d'une importance semblable réclamaient des preuves satisfaisantes.
Comment l'Apôtre les démontre-t-il ? « Si, à cause du péché d'un seul homme, la mort a régné par ce seul homme, à plus forte raison ceux qui reçoivent l'abondance de la grâce et du don de la justice, régneront-ils dans la vie à cause du seul Jésus-Christ. » Qu'est-ce donc qui a déchaîné la mort et lui a donné puissance contre le genre humain ? La main téméraire portée sur le fruit de l'arbre par un seul homme. Si le péché d'un seul a conféré pareille puissance à la mort, comment des hommes possédant une grâce, une justice plus abondante que ce péché, pourraient-ils demeurer les esclaves de la mort ?
Aussi l'Apôtre parle-t-il ici non de la grâce, mais de « l'abondance de la grâce. » Nous n'avons pas uniquement reçu la quantité de grâce nécessaire pour effacer le péché; nous en avons reçu certainement une quantité beaucoup plus considérable. Nous avons été délivrés du châtiment qui nous attendait, nous avons rejeté complètement le péché, nous avons enseveli le vieil homme, nous avons été régénérés d'en-haut, nous sommes nés à une vie nouvelle, nous avons été rachetés et sanctifiés, nous avons été justifiés, adoptés par Dieu le Père, constitués les frères du Fils unique, les cohéritiers, les membres de son corps ; nous sommes devenus une partie de sa chair, et la même union qui règne entre la tête et le corps a été formée entre nous et lui. Tous ces biens, Paul les indique par cette expression : « Abondance de la grâce, » et il nous apprend de cette manière que le remède pour nous employé n'avait pas uniquement la vertu de guérir notre blessure, mais qu'il avait encore la vertu de nous conférer une force, une beauté, une dignité, une gloire, une majesté bien au-dessus de notre nature. Il suffisait de chacun de ces biens pour briser l'empire de la mort; dès lors qu'ils nous sont tous donnés, cet empire doit être radicalement détruit, et il n'en doit rester ni ombre ni vestige. Qu'un créancier jette en prison un homme qui lui devra dix oboles, qu'il y enferme en même temps sa femme, ses enfants, ses serviteurs, puis, qu'un tiers intervienne et lui compte non pas dix oboles, mais dix mille talents d'or; qu'il introduise ensuite le captif dans un palais, qu'il le place sur un trône élevé, qu'il l'associe au rang et au pouvoir suprême, comment le créancier conservera-t-il le plus léger souvenir de sa créance passée ? Ainsi nous est-il arrivé à nous-mêmes. Le Christ a payé beaucoup plus que nous ne devions; et la même proportion existe entre notre dette et ce qu'il a payé, qui existe entre une goutte d'eau et l'Océan.
Ne craignez donc rien, ô homme, devant cet amas de richesses et de trésors ; ne cherchez pas comment cette étincelle de la mort et du péché a pu être éteinte, puisque, pour l'éteindre, un océan de grâces a été soulevé. Telle est la pensée de Paul dans ce texte : « Ceux qui ont reçu l'abondance de la grâce et de la justice, régneront dans la vie. » Cette vérité clairement établie, l'Apôtre reprend le premier raisonnement et confirme par cette répétition ce qu'il a mis en avant : « Puisque, dit-il, tous les hommes ont été punis pour le péché d'un seul, il s'ensuit qu'ils peuvent être justifiés. Ainsi donc, poursuit-il, de même que par le péché d'un seul tous les hommes ont été condamnés, de même, c'est par la justice d'un seul que tous les hommes recevront la justification de la vie. » Insistant sur ce même point, il ajoute : « Comme plusieurs sont devenus pécheurs par la désobéissance d'un seul, ainsi par l'obéissance d'un seul plusieurs deviendront justes. » Au premier aspect, ces paroles soulèvent une difficulté grave ; mais, à la réflexion, cette difficulté ne tarde pas à s'évanouir. Quelle est cette difficulté ? Comment la désobéissance d'un seul homme peut-elle constituer plusieurs hommes en état de péché ? Qu'un homme ayant péché, puis étant devenu par là sujet à la mort, ait donné le jour à une race soumise à la même condition, il n'y a point d'invraisemblance à l'admettre ; mais que la prévarication de l'un constitue l'autre en état de péché, quel rapport entre ces deux effets ? Il semble qu'un homme ne doit être puni comme pécheur qu'à la condition d'avoir commis lui-même le péché.
3. Quel est donc le sens du mot « pécheurs » ? A mon avis, il s'appliquerait aux hommes en tant qu'ils sont réservés au supplice et sujets à la mort. En même temps qu'Adam, nous avons tous constitués mortels; l'Apôtre l'a clairement et abondamment démontré : maintenant, ce qu'il faudrait établir, c'est la raison de ce fait. Paul ne l'explique pas ; il n'entrait pas dans son plan de le faire ; car il combattait les Juifs, qui révoquaient en doute et tournaient en ridicule cette justice que nous devons à un seul homme. Il se contente donc d'affirmer la transmission du châtiment de notre premier père à tous ses descendants, sans ajouter pourquoi il en a été ainsi. Loin de lui tout discours inutile ; il ne s'occupe que des questions nécessaires. La lutte qu'il avait à soutenir n'entraînant ni lui ni les Juifs à soulever cette question, il passe outre sans la résoudre. Si vous nous demandez à nous une réponse, nous vous dirons que cette condamnation et cet asservissement à la mort, non seulement ne nous ont causé aucun mal, dans le cas où nous pratiquerons la vigilance, mais de plus que nous avons gagné à devenir mortels; en premier lieu, parce que nous ne commettons pas de péché en un corps immortel ; en second lieu, parce que nous y trouvons de nombreuses occasions de pratiquer la sagesse. Certainement, la mort présente et la mort à venir sont pour nous des maîtres dont les leçons nous apprennent à nous garder de tout excès, à vivre dans la charité, la simplicité, dans l'éloignement de toute sorte de mal. Outre ces avantages, ou plutôt antérieurement à ces avantages, nous en avons reçu des biens dignes de toute notre estime. Où seraient sans cela les couronnes des martyrs, les trophées des apôtres ? C'est par la mort qu'Abel fut justifié, qu'Abraham le fut également à l'occasion du sacrifice de son fils. Jean fut mis à mort pour le Christ. Les trois enfants et Daniel aussi furent condamnés à la subir. Si nous le voulons, ni la mort ni le diable ne sauraient nous nuire en quelque manière que ce soit. Ajoutons que, après une épreuve de quelques jours, l'immortalité sera notre partage, et que nous serons mis en possession des biens à venir. Mais il faut préalablement que dans la vie présente, comme dans une palestre, nous nous excitions à la souffrance, à l'adversité, aux épreuves, aux privations et à divers autres maux d'apparence redoutable pour en arriver à mériter les biens qui nous sont réservés.
« La loi est venue afin que le péché abondât. » Une fois établi que les hommes avaient été condamnés en Adam, que le salut avait été donné par le Christ, lequel nous avait affranchis de tout supplice, l'Apôtre en vient à la loi, pour combattre l'idée que les Juifs en avaient. Bien loin qu'elle fût par elle-même de quelque prix et de quelque utilité, le mal ne fit, par l'apparition de la loi, que devenir plus grave. Le mot « afin que, » indique ici la coïncidence, non la causalité. En réalité, la loi ne fut certes pas donnée pour que les péchés se multipliassent, mais pour qu'ils diminuassent en nombre et qu'ils fussent effacés : si le contraire arriva, la raison doit en être cherchée dans la lâcheté des hommes, non dans la nature de la loi. Pourquoi l'Apôtre dit-il: « La loi est venue ? » et non : La lui a été donnée? Pour taire ressortir ce qu'elle avait de passager. et combien peu elle était destinée à régner absolument et sans limites. Il exprime la même pensée en des termes différents, dans son Epître aux Galates : « Avant que la loi fût venue, disait-il, nous étions sous la garde de la loi qui nous tenait renfermés, en attendant cette foi qui devait nous être révélée. » Galat., Ill, 23. D'où il suit que la loi gardait pour autrui, non pour elle, ce peuple qui lui était confié. C'est à cause de la grossièreté, de l'insoumission et de l'insensibilité des Juifs, vu les bienfaits dont ils étaient comblés, que la loi leur fut donnée ; la loi devait se faire entendre à leurs oreilles d'une façon plus vive, leur montrer plus clairement l'état dans lequel ils étaient, enfin, en les menaçant de châtiments plus redoutables, les tenir plus énergiquement en respect. Toutefois, gardez-vous de croire que la loi n'eut d'autre but que d'ajouter à la gravité des supplices ; elle avait plutôt pour destination di faire briller la grâce d’un plus vit éclat. Aussi l'Apôtre ajoute-t-il : « Là où le péché avait abondé la grâce a surabondé. » li ne dit pas. : La grâce a abondé, mais bien « a surabondé ». En nous affranchissant de toute peine, elle nous a conféré le pardon de nos péchés, la vie et les autres biens que nous énumérions il n'y a qu'un instant. Ainsi en serait-il pour le malade qui serait d'abord délivré de la fièvre, puis revêtu de beauté, de force et d'honneur; ainsi pour l'indigent qui, après avoir reçu le pain nécessaire, serait ensuite comblé de richesses et revêtu d'un souverain pouvoir. Comment, demanderez-vous, le péché a-t-il abondé ? La loi comprenait un grand nombre de prescriptions; ces prescriptions étant violées, il en résultait que les péchés abondaient. Comprenez-vous les différences qui existent entre la loi et la grâce ? Tandis que la loi ne vient qu'aggraver notre condamnation, la grâce vient faciliter notre salut.
4. Après nous avoir instruits de l'infinie miséricorde de Dieu, l'Apôtre en revient à chercher la racine et l'origine de la mort et du péché. La racine de la mort, quelle est-elle ? Le péché « Afin que, de même que le péché a régné en donnant la mort, de même la grâce règne par la justice, en donnant la vie éternelle, par Jésus-Christ Notre-Seigneur. » Il compare, par ce langage, le péché à un monarque, et la mort à l'un de ses satellites, armé par lui et prêt à remplir ses ordres. Mais si la mort a reçu ses armes du péché, il en résulte que la justice, introduite par la grâce, exterminant le péché, dépouillera la mort de ses armes, l'exterminera elle-même, lui ravira son empire tout entier. Son empire, â elle, n'est-il pas beaucoup plus considérable ? Ce n'est point un homme, ce n'est point un démon, c'est Dieu, c'est la grâce qui l'a constitué ; c'est vers une fin excellente, vers un bien infini qu'elle conduit notre vie ; et, ce qui nous permettra d'en juger encore mieux, elle n'aura pas à craindre de limite. Si la mort nous jette hors de la vie présente, la grâce nous assure, non la vie présente, mais une vie exempte de mort, une vie éternelle. Tous ces biens, le Christ nous les a conquis. Ne soyez donc pas en peine de la vie, puisque vous avez la justice. Nous l'avons déjà dit, la justice est supérieure à la vie, car elle en est la mère. « Qu'est-ce à dire? Demeurerons-nous dans le péché afin que la grâce abonde ? A Dieu ne plaise. »
L'Apôtre reprend maintenant la question morale, à laquelle il est amené par la chaîne du raisonnement dogmatique, et qu'il se garde bien de soulever à dessein, pour ne froisser et ne choquer personne. Si, tout en usant de cette variété, il employait toute sorte de ménagements pour que ces paroles fussent bien accueillies ; « peut-être, leur écrivait-il en effet, me suis-je exprimé en termes trop vifs ; » Rom., XV, 15 ; certainement, s'il eût agi différemment, il leur eût paru insupportable. Après donne leur avoir montré la vertu de la grâce par la grandeur des péchés qu'elle effaçait, pour que les intéressés ne vissent pas en cela un motif (le pécher et ne s'écriassent : Puisque la grâce est d'autant plus abondante que nos péchés ont été plus considérables ne mettons pas de bornes à nos péchés afin de n'en pas mettre à l'abondance de la grâce; pour prévenir ce danger, l'Apôtre pose l'objection à laquelle il répond négativement par ces mots : « A Dieu ne plaise ! » qu'on emploie toutes les fois qu'il est question d'une évidente absurdité. Puis il avance un raisonnement dont on ne saurait éluder la force. Ce raisonnement quel est-il ? « Une fois morts au péché, dit-il, comment pourrions-nous vivre encore dans le péché ? » Que signifient ces mots : « Une fois morts ? » Veulent-ils dire que défense nous est faite désormais de commettre le péché, ou bien que nous sommes morts au péché dès le moment où nous avons reçu la grâce et la lumière de la foi ? Cette dernière explication paraît préférable et résulte de ce qui vient après. Mourir au péché signifie donc n'être soumis en aucune façon au péché. C'est là ce dont nous sommes redevables au baptême ; il a brisé tous les liens qui nous asservissaient précédemment. Telle est donc la direction que nous devrions à l'avenir imprimer à notre zèle : quoique le péché nous commande ne l'écoutons jamais, et gardons devant lui l'immobilité de la mort. Ailleurs, l'Apôtre va jusqu'à dire que le péché lui-même a été frappé mortellement : il l’exprime ainsi pour nous montrer la facilité de la vertu. Dans le cas présent, comme il tient à ranimer l'ardeur du fidèle, il lui rappelle que lui aussi est mort au péché. Pour dissiper l’obscurité qui pouvait encore planer sur son langage, il s'explique un peu plus longuement : « Ne savez-vous donc pas, mes frères, dit-il, que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés en sa mort ? Nous avons été ensevelis avec lui dans la mort par le baptême. » Quel est le sens de ces paroles : « Nous avons été baptisés dans sa mort ? » Que sa mort est devenue la nôtre, car la croix est un baptême. Ce que la croix et le sépulcre ont été pour le Sauveur, le baptême l'a été pour nous, quoique dans des conditions différentes : Jésus est mort et a été enseveli dans sa chair; nous ne sommes morts et n'avons été ensevelis que par rapport au péché. C'est pourquoi Paul ne dit pas que « nous avons été entés » sur sa mort, mais que nous l'avons été « par la ressemblance de sa mort. » Il y a mort des deux côtés; seulement, le sujet en est différent ; du côté du Christ, c'est la mort de la chair ; du côté des hommes, c'est la mort au péché : de même que la première est véritable, la seconde ne l'est pas moins. Toutefois, bien que cette dernière soit incontestable, nous ne devons pas négliger la part qui dépend de nous ; ce que nous rappellent les paroles suivantes : « Afin que, de même que le Christ est ressuscité d’entre les morts par la gloire de son Père, nous marchions, nous aussi, dans une vie nouvelle. » Voilà le dogme de la résurrection énoncé en même temps que celui d'une vie nouvelle. Vous croyez que le Christ est mort et qu'il est ressuscité, nous dit l'Apôtre ; alors, croyez de même ce qui vous regarde ; ceci est semblable à cela, car à vous aussi se rapportent la croix et le sépulcre. Puisque vous avez été unis au Christ en ce qui concerne sa mort et son ensevelissement, vous lui serez à plus forte raison unis en ce qui concerne sa résurrection et sa vie. Le principal ennemi, à savoir le péché, ayant été exterminé, il n'y a plus lieu de douter de l'extermination de l'ennemi le moins considérable, à savoir la mort. Ces considérations, Paul les livre à la conscience de ceux qui l'écoutent : pour lui, après nous avoir indiqué la résurrection à venir, il nous demande une autre résurrection, c'est-à-dire une nouvelle direction de vie basée sur un changement radical dans nos moeurs. Que l'impudique devienne chaste ; l'avare, charitable; l'homme insensible, miséricordieux : ce seront autant de résurrections dont la résurrection à venir sera la récompense. Comment y a-t-il là une résurrection ? Pour que la justice s'élève à la place du péché qui a été effacé, parce qu'il n'est plus question de la vie d'autrefois, et qu'une vie nouvelle, une vie angélique lui a été substituée ; si l'on vous parle d'une vie nouvelle, c'est pour marquer la différence profonde et les changements décisifs que présente la vie dont il s'agit.
5. Comment ne pas pleurer, comment ne pas gémir, en songeant à la sagesse admirable que Paul nous demande, et à la torpeur dans laquelle nous vivons , nous qui, au sortir du baptême, retournons à notre précédente décrépitude, et soupirons après la manne et les oignons de la vieille Egypte. Notre conversion se maintient dix ou vingt jours après le baptême, après quoi nous reprenons nos habitudes d'autrefois. Or, ce n'est pas un nombre de jours limités que Paul réclame pour la vie chrétienne a laquelle nous sommes appelés, mais notre existence tout entière : et voilà que, nous replongeant dans nos anciennes souillures, nous renonçons à la jeunesse que la grâce nous a donnée pour retourner à la vieillesse dont le péché est le principe. L'amour des biens de la terre, en effet, les passions criminelles, en un mot toute habitude vicieuse, outre qu'elle nous asservit, nous entraîne sur la pente d'une vieillesse véritable : or, tout ce qui incline vers la vieillesse et la décrépitude, est bien près de périr. Le corps subit moins énergiquement l'action dissolvante de la vieillesse que l'âme décomposée et corrompue par le mal : il faut la voir alors s'arrêter à de misérables bagatelles, tenir des propos sans portée, comme les vieillards qui ne jouissent plus de leurs facultés, sujette à l'oubli, à l'ébahissement, à mille incommodités, le regard obscurci, devenue elle-même pour les hommes un sujet de dégoût, et pour le démon une proie de facile capture : ainsi en est-il de l’âme des pécheurs. Quant à l'âme des justes, elle jouit d'une jeunesse et d'une vigueur toujours nouvelles; toujours à la fleur de l'âge, elle est toujours prête pour la lutte et le combat; tandis que l'âme du pécheur au moindre choc succombe et périt. De là ces mots du prophète, qui comparait ces âmes « à la poussière que le vent chasse de la terre ; » Psalm. I, 14 : toutes ces âmes ont peu de consistance, tant il est aisé de triompher des malheureux qui vivent au sein des prévarications.
Leur vue n'est point saine, leur ouïe n'est point fidèle, leur parole est embarrassée, entrecoupée ; ils ont sans cesse un trop-plein de salive à la bouche, et plût à Dieu que ce ne fût pas autre chose ! Du moins, il n'y aurait pas de quoi rougir. Mais non, ce sont des propos plus immondes que la fange qui sortent de leurs lèvres : incapables de rejeter complètement cette écume impure, ils la prennent de la main, et ils sont obligés, tant elle est épaisse et dégoûtante, de l'écraser d'une façon que l'on ne saurait exprimer. Mes paroles, je le vois, vous inspirent une horreur profonde : que serait-ce donc si vous aviez sous les yeux le mal que je dépeins ? Ces incommodités sont peu agréables dans le corps; mais dans l'âme, ce qu'elles ont de repoussant dépasse toute expression. Souvenez-vous de ce prodigue qui, ayant dévoré son patrimoine, en était venu à un point d'iniquité tel que sa misère laissait bien loin derrière elle n'importe quelle maladie et n'importe quelle misère. Mais, un jour, il le voulut, et par cet acte de sa volonté, il changea complètement, il fut entièrement renouvelé. Dès qu'il eut dit : « Je retournerai vers mon père, » ce seul mot lui rendit tous ses biens ; car à la parole se trouvait jointe la conduite. Après avoir dit, « je retournerai, » il ne demeura pas au même endroit, mais il franchit sans découragement tout l'espace qui le séparait de son père. Imitons son exemple : si loin que nous soyons de la patrie, revenons à la maison paternelle, et ne craignons pas la longueur du chemin. Avec un peu de bonne volonté, le retour sera prompt et facile ; nous n'avons pour cela qu'à quitter la terre étrangère, je veux dire le péché ; car c'est lui qui nous tient éloignés de la maison paternelle. Pour retourner à celle-ci, éloignons-nous de celui-là. Nous avons un père plein de tendresse ; et, quand nous aurons changé, il ne nous chérira pas moins que ceux dont la vie ne s'est pas écartée du droit chemin ; il nous aimera même davantage : le retour du prodigue combla de joie son père, qui lui donna des témoignages d'honneur de toute sorte. Comment revenir dans la maison paternelle ? Demanderez-vous. Commencez seulement, et ce sera une oeuvre finie ; cessez de commettre le mal, n'allez pas plus loin dans cette voie, et vous serez au bout de votre course. Pour les personnes malades, la convalescence commence dès que s'arrêtent les progrès du mal : ainsi en est-il du péché ; n'allez pas plus loin, et le péché n'aura plus sur vous d'empire. Evitez-le deux jours consécutifs ; le troisième jour, cette tâche vous deviendra plus facile ; de trois jours vous arriverez à dix jours , puis à vingt, puis à cent, puis il en sera de même de la vie tout entière. Plus vous avancerez, plus le chemin vous sera aisé ; parvenu au terme, vous recueillerez les fruits abondants de vos sueurs. Lorsque le prodigue revint à la maison paternelle, on était en pleine réjouissance, on entendait le son des flûtes et des cithares, on se livrait à des danses et à des divertissements. Le père, qui certes aurait eu le droit de demander à son fils compte de ses folles prodigalités et de sa longue absence, n'en fit rien; il le traita comme s'il n'avait eu qu'à se louer de lui : non seulement il ne lui adressa pas de reproches, non seulement il ne fit aucune allusion à sa vie de désordres ; mais il alla jusqu'à l'embrasser avec effusion, il fit égorger un veau, il revêtit le prodigue d'une robe et des ornements les plus convenables. Que cette parabole ranime en nous la confiance et chasse de nos coeurs toute pensée de désespoir.
Dieu aime beaucoup mieux être appelé du nom père que du nom de Seigneur ; il aime mieux avoir des fils que d'avoir des esclaves. C'est dans ce but qu'il a sacrifié son fils unique et qu'il nous a donné ces magnifiques témoignages d'amour ; c'est pour nous élever à la dignité de ses enfants d'adoption et pour que nous l'aimions comme un père et non plus seulement comme un maître. Qu'il l'obtienne de nous, il en est heureux comme si l'on ajoutait à sa gloire, et le proclame ouvertement, lui qui cependant n'a besoin d'aucune des choses qui peuvent nous appartenir. Ainsi fit-il à propos d'Abraham, disait : « Je suis le Dieu d'Abraham, d’Isaac et de Jacob. » C'était au serviteur à se glorifier a ce sujet ; mais non, c'est le Seigneur lui-même qui s'en fait gloire. « M'aimez-vous plus que ceux-ci ? » Joan., XXI, 17, demandait-il à Pierre, pour nous montrer le prix qu'il attache à notre amour. S'il donna l'ordre au Patriarche de lui sacrifier son fils, ce fut pour découvrir à toutes les générations l'amour qu'Abraham avait pour son Dieu. Ce désir ardent que le Seigneur éprouve d'être aimé de nous, prouve qu'il nous aime immensément. De là ces mots qu'il adressait aux apôtres : « Celui qui aime son père et sa mère plus que moi n'est pas digne de moi. » Matth., X, 37.
6. C'est encore pour cette raison qu'il n'accorde à l'âme , c'est-à-dire à ce que nous avons de plus cher, que le second rang dans l'ordre de l'affection , lui-même prétendant être aimé le premier et par-dessus toute chose. Lorsque nous sommes indifférents à l'égard d'un de nos pareils, fût-il puissant et glorieux, peu nous importe son amour ; lorsque nous l'aimons de tout coeur, fût-il obscur et de condition vile , nous tenons extrêmement à ce qu'il nous traite avec réciprocité. Le Sauveur qualifiait de gloire les ignominies qu'il se proposait d'endurer pour nous, et il ne se contentait pas de désigner de la sorte l'amour que nous pouvons avoir pour lui. Toutefois, l'amour seul conférait à ces ignominies ce caractère de gloire. Quant aux épreuves que nous pourrons subir pour Dieu, par amour sans doute, mais aussi en considération de la gloire et de la grandeur de celui que nous aimons, notre conduite méritera la qualification de glorieuse et elle la justifiera. Allons donc au-devant des dangers à braver pour lui comme nous courrions vers une riche récompense ; n'estimons douloureuses et pénibles, ni la pauvreté, ni la maladie, ni les injures, ni la calomnie, ni la mort elle-même, dès que le Sauveur désire que nous les souffrions. Avec de la vigilance, nous retirerons de grands avantages de toutes ces épreuves, de même que, sans vigilance, nous ne retirerons des biens opposés aucun profit. Examinez, en effet : un de vos pareils se déclare-t-il contre vous et vous persécute-t-il ? Il vous fournit l'occasion de vous tenir sur vos gardes et de marcher sur les traces même de Dieu ; car, si vous aimez celui qui vous tend des pièges, vous serez semblable à celui « qui ordonne au soleil de se lever sur les bons et sui les méchants. » Matth., V, 45.
Vous a-t-on lésé dans vos intérêts d'argent ? Supportez patiemment cette perte, et vous en serez récompensé comme si vous aviez donné tous ces biens aux pauvres. « Vous avez vu, disait l'Apôtre, avec joie vos biens vous être repris; car vous saviez qu'un héritage meilleur et permanent vous était réservé dans les cieux. » Hebr. X, 34. Vous a-t-on accablé d'injures et d'outrages? Qu'ils soient fondés ou non, ils vous mériteront une couronne éclatante, si vous les endurez sans faiblir. Les calomnies seront aussi pour vous une source de récompenses : « Réjouissez-vous et félicitez-vous lorsque les hommes diront contre vous toute sortes de mal qui ne sera pas rai parce que votre récompense est alors abondante dans les cieux. » Matth., V, 12. Même lorsqu'on vous reprochera des torts réels, la patience sera pour vous un principe de mérite : le Pharisien signalait dans le Publicain des vices que ce dernier possédait en réalité; cependant le Publicain n'en fut pas moins justifié. A quoi bon nous arrêter à chacun de ces exemples ? Celui de Job suffirait pour nous éclairer complètement. « Si Dieu est pour nous, s'écriait Paul, qui sera contre nous? » Rom., VIII, 31. Mais si, avec du zèle de notre côté, les persécutions ne concourent qu'à notre bien, les conditions les meilleures ne nous seront d'aucune utilité, si ce zèle nous fait défaut. De quoi donc a servi la société du Christ à Judas ? de quoi la loi a-t-elle servi aux Juifs, le paradis au premier homme, Moïse aux Hébreux du désert ?
Laissons donc de côté toute préoccupation sur cette matière, et ne nous attachons qu'a une seule chose, à faire régner l'ordre dans toutes nos actions. Cette besogne une fois remplie, le diable ne viendra jamais à bout de nous ; il nous sera plutôt utile, parce qu'il nous mettra dans la nécessite de redoubler de vigilance. Pour ranimer la ferveur des Éphésiens, Paul leur signalait la férocité de l'esprit du mal. Pour nous, quoique nous avons en face un si redoutable adversaire, nous nous livrons aux douceurs d'un profond sommeil. Assurément, si nous savions qu'un serpent se trouve près de notre lit, nous nous efforcerions de le découvrir et de le tuer. Le diable se cache dans les replis de notre âme, et nous estimons qu'il n'y a pas de danger, et nous restons tranquilles, parce que nous ne le voyons pas des yeux du corps. Ce devrait être pour nous la raison d'une vigilance plus sérieuse : on peut aisément se mettre en garde contre un ennemi visible; mais se soustraire aux coups d'un ennemi invisible, cela n'est possible qu'à la condition d'être couvert d'une complète armure. Et puis, notre adversaire ne nous attaque jamais en face ; il serait dans ce cas facile d'échapper à ses coups ; il prend le masque de l'amitié pour mieux nous inoculer son venin. Il se servit de la femme de Job pour que l'affection parût inspirer ce détestable conseil. A l'égard d'Adam, il feignit de s'intéresser vivement à ce qui le regardait : « Vos yeux seront ouverts, lui dit-il, le jour où vous mangerez de ce fruit. » Gen., III, 5. Ce fut sous le voile de la religion qu'il détermina Jephthé à sacrifier sa fille et à consommer cette immolation barbare, tels sont ses pièges, tels sont ses artifices. Tenez-vous donc sur vos gardes, revêtez-vous complètement de votre armure spirituelle, prévenez les ruses de votre ennemi, afin de le prendre vous-même, au lieu de devenir sa capture. C'est parce qu'il ne se faisait pas illusion sur ce point que Paul le vainquit : d'où ces paroles : « Nous n'ignorons pas quelles sont ses pensées. » II Cor., Il, 11. Appliquons- nous donc à connaître ses ruses et à les éviter. Après avoir remporté sur lui la victoire. Nous en savourerons l'honneur et dans le siècle présent et dans le siècle à venir, et nous entrerons en possession des biens éternels par la grâce et la charité de Notre - Seigneur Jésus-Christ, à qui gloire, puissance, honneur, en même temps qu'au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.