Saint Irénée
Vie de saint Irénée
1.
Sa vie
On dispose de peu d'informations sur la jeunesse d'Irénée, hormis ce qui nous est transmis par l'Histoire écclésiastique d'Eusèbe de Césarée. Il serait né à Smyrne, où il aurait entendu les sermons de l'évêque Polycarpe, entre 135 et 140, lequel Polycarpe "avait été en relation avec Jean et avec les autres qui avaient vu le Seigneur". Nous ne savons pas vraiment dans quelles circonstances il quitte l'Asie mineure pour venir en Gaule mais en 177, Irénée devient prêtre de l'Eglise de Lyon. Malgré l'absence de documents, il est normal de supposer qu'il soit auparavant passé par Rome pour venir depuis Smyrne et qu'il y ait fait un séjour plus ou moins long. Bien des indices relevés dans ses écrits viennent appuyer cette hypothèse.
En 177 encore, Irénée fut envoyé à Rome par les martyrs auprès du pape Eleuthère afin de remettre à celui-ci la Lettre des martyrs de Lyon. L'évêque saint Pothin est mort en prison à l'âge de quatre-vingt-dix ans et Irénée lui succède. Cette lettre serait-elle l'oeuvre d'Irénée ? La question reste discutée. Entre 190 et 200, dans la grande controverse qui oppose les Eglises d'Asie Mineure au reste de la chrétienté à propos du jour de la célébration de la Pâque, (querelle quartodécimane), Irénée mérita son nom de « pacifique », comme le remarque Eusèbe. Les Asiates célébraient la Pâque le 14 nisan tandis que Rome et les autres Eglises la célébraient au dimanche suivant cette date. Irénée écrivit donc à « Victor, chef de l'Eglise de Rome » qui voulait excommunier les Asiates. Il prenait nettement position pour la tolérance, mais dans les termes déférents qui « conviennent » : les deux coutumes. viennent des Apôtres, disait-il, et elles peuvent donc subsister côte à côte, comme elles l'ont fait jusque là. Il écrivit d'ailleurs dans le même sens « à beaucoup d'autres chefs d'Eglise » ainsi que le rapporte Eusèbe.
Nous sommes mal renseignés sur la mort d'Irénée. Il est possible qu'il ait été englobé dans un massacre général des chrétiens lyonnais sous Septime Sévère (vers 202 ?). L'Eglise l'honore comme martyr. Il unit la tradition d'Asie Mineure et la tradition romaine qu'il transplante à Lyon. D'où la valeur exceptionnelle de son témoignage qui se situe au confluent de l'Orient et de l'Occident.
Son oeuvre
L'Adversus haereses
Ce grand ouvrage polémique, écrit en gec, est la plus ancienne réfutation de l'hérésie que nous ayons conservée. Le titre initial, plus approprié à son objet, était : "Dénonciation et réfutation de la prétendue gnose au nom menteur", mais un peu long, il fut donc transformé dès l'antiquité en "Contre les hérésies". La traduction latine est antérieure à saint Augustin qui la cite. Seule la version latine nous transmet le texte complet. D'autres traductions ont existé, - arménienne, syriaque, - dont il ne nous reste que des fragments. Le succès de l'œuvre fut en effet rapidement très grand. On se hâtait de traduire et de répandre une oeuvre d'une telle importance qui portait un coup mortel à l'hérésie du gnosticisme. Cependant, éclipsé par les Pères du IVème siècle, Irénée tomba dans l'oubli et il fut pratiquement ignoré du Moyen Age. L'heure de sa redécouverte ne sonna qu'au seizième siècle : en 1526, Erasme publia l'édition princeps de l'Adversus haereses et avec amour et fierté, il appelait l'auteur « mon Irénée ». Le titre exact et complet dit le but de l'œuvre.
Quelle est donc cette (fausse) gnose ?
"C'est la prétention à s'élever au-dessus des vérités de la foi : celle-ci, disent les gnostiques, n'est pas la condition suffisante du salut et de l'accès à la vie éternelle; elle n'est qu'un stade imparfait. Tandis que la masse des chrétiens imparfaits, ceux qui ne sont qu'"appelés", est incapable de dépasser ce stade, ceux qui sont "élus" vont au-delà : ils sont introduits dans une "science" supérieure, inaccessible au commun, qui fait d'eux des "spirituels", des "parfaits" et leur assure le salut. Cette science a pour origine une tradition secrète venant du Christ et des apôtres et transmise en grand mystère à des petits groupes d'"initiés"... Ce qui constitue le fond de l'attitude gnostique, c'est tout à la fois, un blasphème contre le seul vrai Dieu, qui est le Créateur de l'univers, et un rejet passionné, méprisant, de notre humanité de chair, déclarée mauvaise en elle-même et radicalement incapable de salut. Et ce double rejet ne fait qu'un, car le gnostique répudie à la fois l'oeuvre et l'Ouvrier" (Adelin Rousseau, moine de l'abbaye d'Orval, traducteur d'Irénée).
Irénée nous explique la doctrine délirante professée par les Valentiniens :
Et Irénée, non sans humour, ridiculise cette construction intellectuelle imaginaire :
Irénée signale aussi le danger de "dérive sectaire" comme on dirait aujourd'hui, et par dessus tout évidemment, le danger d'orgueil : la fausse gnose enfle. Le but du chrétien n'est pas la gnose mais la charité, car nous nous approchons de Dieu par l'amour :
Mais il existe une vraie gnose : c'est la doctrine des apôtres. Les apôtres, disciples de la Vérité, ont prêché et transmis par écrit la vérité. L'indivisibilité de l'Ecriture est aussi démontrée.
Monseigneur Albert Decourtray , ancien archevêque de Lyon, dans sa préface à l'édition 1985 de l'ouvrage (Le CERF) précise :