Saint Athanase

Athanase d'Alexandrie : son oeuvre

Ouvrage de référence : Lire les Pères de l'Eglise de soeur Gabriel Peters.

1. Les écrits d'Athanase, qui nous sont aussi parvenus en copte, en syriaque et en d'autres langues, sont un reflet fidèle de son activité épiscopale et des controverses auxquelles il participa. On n'a pas pu établir de façon certaine s'il maîtrisait lui-même le copte. Parmi ses Lettres de Pâques, la 39ème, qui date de 367, est célèbre parce que c'est le premier texte comportant le canon définitif du Nouveau Testament. Ce sont les évènements de sa vie et la nécessité de réfuter des adversaires coriaces qui furent souvent à l'origine de nombre de ses oeuvres.

Discours contre les païens et sur l'incarnation du verbe (318)

Le jeune Athanase avait environ 23 ans lorsqu'il rédige cette aplologie du christianisme, défendant le monothéisme contre la vanité de l'idolâtrie et du paganisme. Il justifie la foi en l'incarnation et s'interroge sur sa finalité : le Verbe s'est incarné afin de rétablir la connaissance de Dieu et anéantir le péché afin de diviniser l'homme et l'unir à Dieu par le don de l'Esprit et lui communiquer l'immortalité. L'incarnation est ordonnée à la rédemption. Par l'incarnation, l'homme revient à son origine, car il fut créé à l'image de Dieu.

Quand l'âme se débarrasse de toute la souillure du péché répandue en elle et ne garde dans sa pureté que la ressemblance à l'image de Dieu et à plus forte raison quand cette image est illuminée, elle y contemple comme dans un miroir le Verbe, image du Dieu Père, et en lui elle contemple le Père dont le Sauveur est l'image.

La vie de saint Antoine

C'est moins une biographie, qu'une oeuvre d'édification adressée "aux moines habitant en pays étranger", c'est à dire l'Occident. Elle comporte un proramme d'ascèse illustrée par le vie et les discours d'Antoine. Sa vie est comme une suite de conversions de plus en plus profondes dans un dépassement perpétuel, pour parvenir, à travers le travail manuel et la méditation de la Bible à la prière perpétuelle. Le Christ, poussé par l'Esprit avait été conduit au désert pour y vaincre le démon. Antoine imite sa démarche, il part au désert afin d'y vaincre le démon, avec et par le Christ. Mais le véritable champ de cette lutte est intérieur, c'est en lui-même que, par la foi, le moine remporte cette victoire rédemptrice. La mystique d'Antoine est christocentrique : c'est parce qu'il est uni au Christ qu'il ose affronter dans la solitude le démon face à face. La conversion du moine est un retour à la nature telle qu'elle est sortie des mains du créateur, un retour au paradis, que symbolise la domination sur les bètes sauvages, thème récurrent de la littérature monastique :

La vertu n'est pas loin de nous, elle est en nous et elle est facile pourvu que nous le voulions. Le Seigneur a dit : le Royaume des cieux est au-dedans de vous. La vertu n'a besoin que de notre bon vouloir. La chose n'est pas difficile : si nous demeurons tels que nous avons été faits, nous sommes dans la vertu. Gardons notre âme au Seigneur, comme ayant reçu un dépôt, afin qu'il reconnaisse son oeuvre, la trouvant telle qu'il l'a faite.

Saint Antoine recommande "d'avoir tous les jours la mort présente devant les yeux" :

"Si nous vivons comme devant mourir chaque jour, nous ne pécherons pas."

Trois discours contre les Ariens (356-358)

Cette oeuvre fût composée durant son 3ème exil, et écrite dans les déserts d'Egypte. Dans le premier discours, il défend la foi de Nicée et réfute la Thalie d'Arius. Les deuxième et troisième discours reprennent les textes scripturaires invoqués par les ariens à l'appui de leurs erreurs, et en donnent l'exégèse. Pour Athanase (et pour les Pères grecs), l'incarnation divine a une fonction : déifier l'homme. Et comment une simple créature pourrait dès lors réaliser cette divinisation ? Impossible.

"Faites du Fils une créature et l'homme demeure dans la mort, faute d'être uni à Dieu. Jamais une créature ne peut être le salut de la création, ayant elle-même besoin du salut".

Le Verbe supportait les infirmités de la chair, car la chair était à lui, et sa chair collaborait aux oeuvres de sa divinité, parce que la divinité était DANS la chair, car ce corps appartenait à Dieu. Oui, certes, le Seigneur, ayant accepté de revêtir la nature humaine, la revêtit tout entière avec ses misères... Qui n'admirerait cette oeuvre vraiment divine ? Si les oeuvres de la divinité du Verbe n'avaient pas été accomplies dans un corps, l'homme n'aurait pas participé à la divinité; de même, si on refusait d'admettre pour le Verbe ce qui est de la chair, le Verbe n'aurait pas assumé l'homme en Lui... Mais maintenant, de même que tous, issus de la terre, nous mourrons en Adam, ainsi rénovés par l'eau et l'Esprit, tous nous sommes vivifiés dans le Christ, notre chair n'étant plus liée à la terre, mais transfigurée par le Verbe de Dieu, fait chair parmi nous.

L'abaissement du Verbe, en se faisant en tout semblable à nous, permet parallèllement l'élèvement de l'homme, principe même de sa divinisation :

"Le caractère tout entier du christianisme est précisément dans l'abaissement de la divinité".

Apologie au sujet de sa fuite (357)

C'est une brillante justification de son attitude contre ceux qui le critiquaient d'avoir fui au désert :

Ils osent me traiter de lâche, parce que je ne me suis pas laissé assassiner ! Ils ne cessent de bourdonner espérant que je vais me livrer entre leurs mains ! La fuite du persécuté est une accusation du persécuteur ! Le Seigneur se cachait et fuyait mais l'heure venue, il s'adresse à son Père : Mon Père, l'heure est venue, glorifie ton Fils. Dès ce moment, il ne se déroba pas, plus, il se tint au milieu de ceux qui le cherchaient, avec la volonté d'être pris. Quand les saints revenaient dans leur fuite vers leurs poursuivants, ils ne le faisaient pas témérairement, c'était sous l'impulsion de l'Esprit qu'ils venaient s'offrir à leurs ennemis, charchant à obéir à la volonté de Dieu.. Ils ne fuyaient pas par peur, leur fuite était un combat et une réflexion sur la mort.

Quatre lettres à Sérapion (358/362)

C'est une correspondance échangée avec l'évèque Sérapion au sujet de la divinité du Saint-Esprit. Nous n'avons gardé que les réponses d'Athanase. Même si nulle part est exprimé clairement que le Saint-Esprit est Dieu, cela se déduit néanmoins de façon négative : le Saint-Esprit n'est pas un ange, ni une créature etc.

Qu'on s'étonne d'une telle démence : ils ne veulent pas que le Fils soit une créature, et en cela ils ont raison, mais comment peuvent-ils alors supporter d'entendre que l'Esprit du Fils etst une créature ?

Pourquoi rangent-ils avec les créatures l'Esprit de la trinité ? c'est là diviser et ruiner la Trinité !

Unique est la grâce qui du Père par le Fils s'achève dans l'Esprit-Saint; unique est la divinité et il n'y a qu'un Dieu qui est au-dessus de tout, à travers tout et en tout.

Lettres sur les synodes de Rimini et de Séleucis

L'empereur Constance fait tenir deux conciles l'un en Orient, à Seleucis et l'autre en Occident à Rimini afin de rétablir la paix religieuse. Saint Athanase, en exil, se plaint de l'instabilité des professions de foi qui se succèdent et il leur oppose la ferme fixité de la formule de Nicée.

Ceux qui acceptent tout ce qui a été décidé à Nicée et n'hésitent que sur le mot consubstantiel (homoousios) ne doivent pas être traités en ennemis et nous-mêmes ne les combattons pas comme des ariens ou des adversaires des Pères, nous leur adressons la parole comme à des frères qui ont la même pensée que nous et ne discutent que sur des mots.

Traité sur l'incarnation contre les ariens (365)

Une nouvelle fois, il insiste sur le but de l'incarnation et défend aussi la doctrine de la divinité du Saint-Esprit.

Le Fils de Dieu est devenu le Fils de l'homme afin que les enfants des hommes, les enfants d'Adam, puissent devenir les enfants de Dieu... afin que nous puissions donner à Dieu le titre de Père... Le Fils de Dieu goûte la mort afin que les enfants des hommes puissent participer à la vie de Dieu. Il est Fils de Dieu par nature, nous le sommes par grâce.

Conclusion

Dans son panégyrique de saint Athanase, saint Grégoire de Naziance le caractérise comme la "colonne de l'Eglise", l'"athlète de la vérité". Les auteurs modernes sont davantage portés à souligner son intransigeance, et c'est vrai qu'intraitable, il le fut ! Et cette obstination à contribué à raviver des luttes politico-religieuses que les empereurs peu soucieux de subtilités théologiques s'employaient à calmer. Mais le recul du temps a donné raison à Athanase. Il voyait clair, là où tant d'évèques hésitaient, et l'enjeu était tel qu'aucune concession n'était permise. Athanase comprit que céder eût été trahir la foi : le Christ est vrai Dieu et Sauveur. Il a posé les bases d'un fondement théologique qui ne fera que gagner en précision par la suite. Le nom d'Athanase est désormais synonyme de fermeté et d'orthodoxie dans la foi.