Saint Basile

Sur le Saint-Esprit

1. Je loue ton amour de la science, le tour studieux de ton caractère, et ce m'est un charme infini de constater la sobre hauteur de pensée qui te fait juger nécessaire de ne laisser passer sans l'examiner attentivement aucun des mots dont il faut bien qu'on use pour parler de Dieu, chère tête, pour moi plus précieuse que tout, frère Amphiloque. Tu as bien écouté l'avertissement du Seigneur : « Quiconque demande reçoit, et qui cherche trouve » Par la justesse de ta demande, tu pourrais donc, ce me semble, décider à communiquer même le plus hésitant. Mais ce qu'en toi j'admire le plus, c'est que ce n'est pas pour tendre un piège, comme la plupart des gens d'aujourd'hui, que tu poses des questions mais pour ceci : trouver le vrai/ Il sont légions, en effet, ceux qui tendent l’preille pour espionner, nous interroger sans répit ; tandis qu’une âme éprise de science et qui peut se guérir de son ignorance, recherche la vérité, que c’est difficile à trouver ! Comme un filet de chasseurs, une embuscade de guerre, voici le piège secret disposé avec art : ces questions d'un grand nombre qui ne se proposent pas tirer profit, mais, si la réponse n'est pas de leur goût, trouver là le prétexte d'un juste motif de guerre !

Si « le sot qui interroge, il convient d'estimer qu'il est sage », le disciple pénétrant, que le prophète a joint au « conseiller admirable », à quel prix l'apprécier ? Il est juste, oui, qu'on l'approuve et qu'on aille de l'avant, partageant son zèle, et qu'on supporte tout alors qu'il nous presse vers le but. Ne point entendre à la légère, en effet, la langue théologique, mais s'efforcer en chaque mot, en chaque syllabe, d'atteindre le sens caché, n'est pas d'hommes lents à la piété mais de gens qui perçoivent le sens de notre vocation : car il nous est proposé de ressembler à Dieu autant qu'il est possible à la nature humaine. Mais de ressemblance, il n'en est pas sans connaissance. Quant à connaissance, on la tient de ce qu'on apprend. Or la parole est à la source de l'enseignement et ses composantes sont des syllabes et des mots. De sorte que scruter les syllabes n’est pas hors de propos.

Petites questions, semblera-t-il. Mais non pas pour autant indignes d’attention. Bien au contraire, puisque la chasse à la vérité est difficile, c'est de tous côtés qu'il nous en faut suivre les pistes. Car s'il en est de l'acquisition de la piété comme des arts — elle grandirait à petits coups —, il n'y a rien de négligeable pour ceux qui font leur entrées dans la connaissance : quiconque mépriserait comme infimes les premières lettres n'atteindrait jamais au faîte de la sagesse.

Oui et Non, voilà deux syllabes. Le meilleur des biens, pourtant, la vérité, ou la pire malice, le mensonge, s'enveloppent souvent dans ces petits mots. Mais, que dis-je, il y a des martyrs du Christ qui, sur un simple signe de tête, ont été tenus pour quitte de tout leur devoir de piété ! S'il en est ainsi, qu'y a-t-il donc de si court en langage théologique qui ne puisse jouer, ou pour ou contre, un rôle décisif ? Que si un seul iota de la Loi, un seul trait ne peuvent passer, comment serait-il sûr pour nous de négliger même les plus petites choses ?

Eh bien ! Ces particules sur lesquelles tu cherches à obtenir de nous un éclaircissement, elles sont à la fois minimes et importantes : par la concision de l'énoncé, minimes sans doute et, de ce point de vue, méprisables peut-être ; mais importantes par la force de ce qu'elles signifient, à l'image du sénevé, la plus petite graine à broussailles qui, si on l'entoure de soins appropriés, lève d'une hauteur appréciable en déployant la force qu'elle recélait. Et si quelqu’un se gausse, au su de notre bavardage sur les syllabes pour parler comme le psaume, qu’il sache ceci : il recueillera de son rire un fruit inutile : quant à nous, sans fléchir sous le blâme des hommes, sans nous laisser abattre par leur mépris, nous ne cesserons de chercher. Car la petitesse de ces particules me fait si peu rougir que, si je ne saisissais qu'une faible partie de leur valeur, je m'en féliciterais néanmoins comme ayant grandement mérité, et au frère qui cherche avec nous je dirais n'aurait point retiré mince avantage. Comme je vois qu’il s'agit d'un très grand combat à propos de petits mots, je ne récuse pas le labeur, avec l'espoir d'en être récompensé, convaincu que, pour moi-même le débat profitable et, pour les auditeurs, d'une durable utilité.

C'est pourquoi, avec le Saint-Esprit lui-même, cela va dire, j'en viendrai maintenant à l'explication. S'il te plaît que je me mette en route, je retourne un peu en arrière, à l'origine du débat.

Tout récemment, comme je priais avec le peuple, et je finissais de cette double façon la doxologie à Dieu le tantôt : avec le Fils, avec le Saint-Esprit ; tantôt : le Fils, dans le Saint-Esprit, quelques-uns de ceux qui étaient là nous accusèrent, disant que nous avions employé des expressions étranges, contradictoires. Mais toi, d’une part et surtout en vue d’être utile à ces gens-là, d’autre part, si leur mal est sans remèdes, afin de prémunir ceux qui les fréquentent, tu nous as réclamé une instruction spéciale sur la valeur de ces syllabes. Nous serons donc brefs, dans la mesure où le peuvent des gens qui ont donnés à leurs propos une origine convenue.

2. 

D’où vient l'intérêt porté par les hérétiques aux particules.

L'étroitesse d'esprit de ces gens-là à propos des syllabes et des mots n'est pas si candide qu'on pourrait le croire. Et ce n'est pas au moindre mal qu'elle entraîne ; au contraire : elle nourrit d'obscurs et noirs desseins contre la piéte. Car ils sont jaloux de souligner une dissemblance dans la façon de parler du Père et du Fils et du Saint-Esprit, afin d'en tirer aisément la preuve aussi de leur différence de nature.

Ils ont pour eux un vieux sophisme formulé par AECE, le chef de cette secte, qui a dit quelque part dans une de ses lettres : « Les êtres de nature dissemblable, on en parle de façon dissemblable » et, inversement, « les êtres dont on parle de façon dissemblable sont de nature dissemblable ». Et, pour appuyer ce dire, il tirait à lui la parole de l'Apôtre : « Un seul Dieu le Père, de qui tout vient ; et un seigneur, Jésus-Christ, par qui tout existe. » En conséquence, dans le même rapport où se trouvent les mots entre eux, se trouveront aussi, d'après lui, les natures signifiées par les mots. Or il y a dissemblance de par qui à de qui. C’est donc que le Fils est dissemblable du Père. Voilà de quel égarement dépend également le bavardage de ces gens sur les expressions proposées. Partant de là, à Dieu le Père, comme un privilège réservé, ils attribuent de qui ; à Dieu le Fils, ils assignent par qui ; au Saint-Esprit en qui. Et ils prétendent que jamais ne varie cet emploi des particules. Afin que, comme je l'ai dit, par ce qu'il y a de différent dans la forme de l'expression soit manifestée aussi la différence de nature. Mais en fait, il ne peut échapper que, dans leurs creux discours sur les manières de s'exprimer, ils gardent en toute sa force la doctrine impie. Par de qui, en effet, ils veulent désigner l'artisan ; par qui, l'aide ou l'instrument ; en qui indique le moment ou le lieu. C'est pour que l'on ne pense pas l'Artisan de l'Univers plus honorable qu'un instrument et que, d'autre part, il soit bien clair que le Saint-Esprit n'évoque rien de plus que l'apport simultané, aux existants, de l'espace et du temps.

3. 

La technologie sur les particules s'inspire de la sagesse du dehors.

Ce qui toutefois les a menés à une telle duperie, c'est aussi la remarque de «ceux du dehors » qui distribuèrent de qui et par qui à des choses séparées par nature. D'après ces philosophes en effet, de quoi indiquerait la matière, par quoi suggérerait l'instrument ou, plus généralement, l'aide. Ou mieux — car qui nous empêche, après avoir résumé la doctrine de ces derniers, de convaincre nos hommes, en bref, et de rupture avec la vérité et de désaccord avec ces philosophes — ceux qui se sont adonnés à la vaine philosophie expliquent diversement la nature de la cause dont ils distinguent des sens particuliers. Ils disent les unes principielles, d'autres concourantes ou coopérantes, d'autres enfin sans lesquelles rien n'existerait.

Pour chacune d'elles, bien entendu, on définit aussi une forme d'expression caractéristique. Ainsi en va-t-il de l'instrument et de l'artisan que l'on désigne différemment. A l'artisan, pensent-ils, convient par qui. Car il est correct, à les entendre, de dire que c'est par le menuisier que le banc a été fait. Quant à l'instrument, c'est ce au moyen de quoi, car, disent-ils, c'est au moyen de la hache, de la tarière, et des autres outils. Pareillement, ces gens-là font de de quoi une caractéristique de la matière : c'est un produit de bois. Selon quoi désigne le plan ou le modèle soumis à l'ouvrier. Car, ou bien il s'est mentalement représenté son objet, incarnant cette représentation dans l'œuvre ; ou bien il regarde un modèle présentement exposé et conduit son action selon sa ressemblance. Pour quoi, ils veulent que ce soit rapporté à la fin, car c'est pour l'utilité des gens que le banc se trouve fait. En quoi suggère l'idée d'espace ou de temps : quand a-t-il été fait ? En ce temps-là, et où ? En ce lieu ci. Sans doute sont-ce là données qui n'ajoutent rien à ce qu'on fait ; sans elles, pourtant, rien ne peut se faire : il faut bien un espace et un temps pour agir.

Voilà ce que nos hommes ont retenu et admiré, remarques de vanité et creuse tromperie, qu'ils transportent à la doctrine toute simple et sans apprêts de l'Esprit, afin, d'une part, de rabaisser Dieu le Verbe et de rejeter, d'autre part, le Saint-Esprit ! Ainsi donc, le vocable réservé aux instruments sans âme, le mot réservé par ceux du dehors pour désigner l'emploi le plus humble et le plus soumis, je veux dire : par quoi, ces gens-là n'hésitent pas à en faire application au Maître de l'Univers et ne rougissent pas, eux chrétiens, d'assigner à l'Artisan de la Créations un terme de scie ou de marteau.

4. 

Qu'il n'y a rien à remarquer de spécial dans l'usage que l'Écriture fait de ces particules.

Nous, nous reconnaissons le fréquent usage que fait aussi de ces mots la parole de vérité. Ce n'est certes pas que la liberté de l'Esprit, nous allions la dire esclave en quelque façon de l'étroitesse mentale de ceux du dehors, mais, au gré des rencontres, elle change de formes d'expression en fonction des besoins. Il n'est pas vrai, par exemple, que, dans tous les cas, de qui désigne la matière, comme il le semble à ces philosophes ; il est plus habituel à l'Écriture d'entendre ce mot-là de la cause suprême. Ainsi dans le passage : « Un seul Dieu, de qui tout vient. » Et ailleurs : « Tout vient de Dieu.» La parole de vérité, pourtant, se sert aussi du mot pour désigner souvent la matière, ainsi quand elle dit : « Tu feras l'arche de bois imputrescible.» ; « tu feras le candélabre d'or pure », et : « Le premier homme, issu du sol, est terrestre », « de glaise tu es fait, comme moi ».

Ces gens-là, afin, comme nous le disions, d'établir la différence des natures, ont décrété que cette expression convenait au Père seul. Empruntant à ceux du dehors les principes de leur remarque, ils ne s'en font pas les esclaves au point de les suivre à la lettre : mais, au Fils, suivant le code de ces philosophes, ils imposent la dénomination d'instrument, à l'Esprit, celle de lieu : dans l'Esprit, disent-ils ; et par le Fils. Pour Dieu, par contre, avec l'expression de qui, ils ne sont plus d'accord avec les étrangers, mais se rangent — à ce qu'ils disent — aux usages apostoliques, selon ce qui est dit : « C'est de lui que vous êtes dans le Christ Jésus », et : « Tout vient de Dieu. » Quelle conclusion tirer de cette technologie ? Autre la nature de la cause et autre celle de l'instrument, autre celle de l'espace : c'est donc que le Fils est différent du Père par nature, puisque l'instrument l'est de l'artisan ; l'Esprit aussi est différent, l'espace et le temps se distinguant par nature et des instruments et de ceux qui les manient.

5. 

Par qui se dit aussi du Père, et de qui du Fils. Également de l'Esprit.

Voilà leur théorie. Nous, nous allons démontrer ce que nous venons d'avancer, savoir : Il n'est pas vrai que le Père, se réservant de qui, ait lancé au Fils par qui, ni que le Fils à son tour, d'après leur code, n'ait pas admis l'Esprit-Saint dans la communion des de qui ou par qui, comme le définit la nouvelle répartition qu'ils en font. « Un seul Dieu et Père, de qui tout vient et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui tout existe.» Ce n'est point-là langage de quelqu'un qui légifère, mais de qui distingue soigneusement les hypostases. Car ce n'est point pour accuser une altérité de nature, mais pour établir le caractère sans mélange de la notion de Père et de Fils que l'apôtre fait une telle proclamation. Eh bien donc, que les particules ne s'opposent pas les unes aux autres, qu'elles ne soient pas, comme à la guerre, détachées contre le front adverse pour mettre aux prises les natures avec lesquelles elles sont en rapport, en voici la preuve. Le bienheureux Paul les a toutes deux réunies en un seul et même sujet lorsqu'il a dite que tout est de lui et par lui et pour lui ». Ce texte s'applique manifestement au Seigneur, comme le dira quiconque fait tant soit peu attention au sens de la phrase. En effet, c'est après avoir allégué le passage de la prophétie d'Isaïe : « Qui a jamais connu la pensée du Seigneur et qui en fut jamais le conseiller. », que l'apôtre ajoute que « tout est de lui et par lui et pour lui ». Le prophète s'adresse à Dieu le Verbe, Démiurge de toute la création, la suite nous l'apprend : « Qui a jamais mesuré l'eau dans sa main, le ciel à l'empan et toute la terre à poignées ? Qui a jamais pesé les montagnes et mis dans la balance les vallons boisés ? Qui n’a jamais connu la pensée du Seigneur et qui n’en fut jamais le conseiller. ? » Ce « qui ? » En effet, n'indique pas alors le comble de l'infranchissable, mais ce qui est rare, comme ici : « Qui se dressera avec moi contre ceux qui font le malt ?» et là : « Qui est l'homme qui veut vivre? » et : « Qui montera sur la montagne du Seigneur ? » Ainsi en est-il ici : « Qui sait la pensée du Seigneur et participe à son conseil ? » Le Père aime le Fils, en effet, et lui montre toute ». C'est le Fils qui soutient la terre et l'enferme dans sa main ; c'est lui qui met tout en ordre et en harmonie; c'est lui qui a comblé d'équilibre les monts, de mesure les eaux, de son ordre propre tout ce qu'il y a dans le monde. C'est lui qui circonscrit le ciel entier de cette faible part de sa toute-puissance que le style imagé du prophète appelle un empan. C'est donc à juste titre que l'apôtre en induit : « Tout est de lui et par lui et pour lui. » De lui, pour les êtres, la cause de l'être, selon la volonté de Dieu, le Père. Par lui, pour tous, la durée et la subsistance : par lui qui a tout créé, qui octroie à chacun large mesure de ce dont il a besoin pour sa conservation. Aussi est-ce pour lui encore qu’ils s’inclinent tous ensemble : un irrésistible désir, une tendresse inexprimable leur font tourner les yeux vers l'auteur de la vie, celui qui en équipe le chœur, selon ce qui est écrit : « Les yeux de tous espèrent en toi. », et ailleurs : « Tous ils espèrent de toi. » et : « Toi, tu ouvres la main et tu rassasies tout vivant de bienveillance. »

S'ils s'insurgent contre notre interprétation, quelle raison pourrait leur éviter de se mettre en contradiction flagrante avec eux-mêmes ? Car s'ils n'accordent point que les trois termes : de lui et par lui et pour lui s'entendent du Seigneur, il faudra bien, de toute nécessité, en faire l'appropriation à Dieu, le Père. De ce fait leur théorie s'effondrerait à coup sûr. Ne trouve-t-on pas, en effet, appliqués au Père, non seulement de qui, mais par qui. Si cette dernière particule ne désigne rien de vil, alors de quel droit l'assigner au Fils en signe d'infériorité ? Si, au contraire, elle caractérise vraiment un office servile, alors qu'ils nous répondent : Le Dieu de la gloire, Père du Christ, de quel archonte est-il ministre ? Voilà donc comment ces gens-là se culbutent eux-mêmes, tandis que nous, des deux bords, nous gardons notre force. S'il est avéré, en effet, que le passage doive s'entendre du Fils, il faudra reconnaître que de qui convient au Fils ; si l'on s'efforce d'attribuer à Dieu le mot du prophète, on accordera que le terme par qui puisse convenir à Dieu et chacune des deux particules aura même dignité du fait qu'on les entend pareillement de Dieu. Ainsi donc, de cette façon-là aussi, elles se montrent de même honneur l'une et l'autre, puisqu'elles se rapportent à une seule et même personnel. Mais revenons à notre sujet.

Dans sa lettre aux Éphésiens, l'apôtre dit : « Mais, vivant selon la vérité et dans la charité, nous grandirons de toutes manières vers celui qui est la tête, le Christ : de lui le corps tout entier reçoit concorde et cohésion, par toutes sortes de jointures qui le nourrissent et l'actionnent selon le rôle de chaque partie, opérant ainsi sa croissance. » Ailleurs, dans sa lettre aux Colossiens, il est dit à ceux qui ne possèdent pas la connaissance du Monogène : « Celui qui s'attache à la tête, c'est-à-dire au Christ, de qui le corps tout entier, par les jointures et ligaments, reçoit nourriture pour réaliser sa croissance en Dieu. » Que le Christ soit la tête de l'Église, nous le savons par ailleurs quand l'apôtre dit : « Il l'a constitué au sommet de tout, tête pour l'Église. » « De sa plénitude nous avons tous reçu. » Et le Seigneur en personne : « C'est de mon bien qu'il prendra pour vous en faire part. » En un mot, à qui se donnera la peine de les recueillir, les manières d'utiliser de qui se montreront très variées. Ainsi le Seigneur : « J'ai senti, dit-il, qu'une force sortait de moi. » Pareillement, nous avons remarqué qu'en beaucoup d'endroits de qui se dit de l'Esprit aussi, car « celui qui sème dans l'Esprit, dit (l'apôtre), de l'Esprit récoltera la vie éternelles. » Et Jean : « Voilà de qui nous savons qu'il est en nous : de l'Esprit qu'il nous a donné. » L'ange : « Ce qui a été engendré en elle, l'a été de l'Esprit-Saint. » Et le Seigneur dit : « Ce qui est né de l'Esprit est esprit. » Voilà donc ce qu'il en est.

Quant à l'expression par qui, l'Écriture l'admet pareillement et du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Il faut maintenant le montrer. Du Fils, il serait superflu, certes, d'en recueillir le témoignage, c'est bien connu, et l'on en fait état dans le camp adverse. Mais nous, nous prouvons que par qui se trouve appliqué aussi au Père : « Il est fidèle, Dieu, par qui vous avez été appelés dans la communion de son Fils. » ; et Paul « apôtre de Jésus Christ par la volonté de Dieu ». Et encore : « Aussi n'es-tu plus esclave, mais fils ; fils, et donc héritier par Dieu.. » Et ceci : « Comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père. » Isaïe également : « Malheur, dit-il, à ceux qui font une assemblée dans le noir et non pas par le Seigneur.» Quant à l'attribution de cette particule à l'Esprit, on peut en citer bien des témoignages : « C'est à nous, dit l'apôtre, que Dieu l'a révélé par l'Esprit.» Et ailleurs : « Garde le bon dépôt par l'Esprit-Saint. » Ailleurs encore : «A l'un c'est une parole de sagesse qui est donnée par l'Esprit. »

Il nous reste à dire la même chose de la syllabe dans, savoir : que l'Écriture l'admet aussi pour Dieu, le Père. Par exemple, dans l'Ancien Testament : « En Dieu, est-il dit, nous pouvons être valeureux» ; « En toi mon chant continuellement » ; « En ton nom j'exulterai d'allégresse. » Chez saint Paul, maintenant : « En Dieu, dit-il, le Créateur de toutes choses » et « Paul, Sylvain et Timothée à l'Église de Thessalonique qui est en Dieu le Père» ; « Si je peux avoir quelque jour une occasion favorable dans la volonté de Dieu d'aller jusqu'à vous » ; « Tu te glorifies, dit-il, en Dieu » ; et tant d'autres passages dont il n'est pas facile de faire le compte. Notre intention n'est pas de faire étalage d'une foule de témoignages, mais de faire la preuve que les remarques de ces gens-là n'ont point de sens. Démontrer, en effet, que cet usage-là est reçu pour le Seigneur ou le Saint-Esprit ne me retiendra pas : tout le monde le sait. Il faut bien le dire : pour un auditeur intelligent, c'est un argument suffisant contre ce qu'ils avancent que de faire appel à la contradictoire : si, en effet, une différence d'expression indiquait un changement de nature, d'après leurs dires, que l'identité des termes maintenant les fasse céder à la confusion d'avoir à reconnaître que l'essence ne diffère pas.

Ce n'est pas seulement à propos de théologie qu'il peut y avoir échange mutuel dans l'emploi de ces termes, mais encore, pour ce qu'ils désignent l'un et l'autre, ils prennent souvent la place l'un de l'autre, quand l'un peut recevoir la signification de l'autre. Par exemple : « J'ai acquis un homme par Dieu », dit Adam, ce qui équivaut à : de Dieu. Ailleurs : « Toutes choses que Moïse ordonna à Israël par le Seigneur qui les commandait. » Ailleurs encore : « N'est-ce pas par Dieu qu'on explique ces choses ? » Dans son entretien sur les songes avec les prisonniers, Joseph a dit clairement, lui aussi : par Dieu au lieu de dire : de Dieu. Inversement, au lieu de : par qui, Paul emploie de qui, par exemple quand il dit : « Né d'une femme », au lieu de : par une femme. Ce qu'il explique d'ailleurs clairement en disant qu'il appartient à la femme d'être née « de l'homme », à l'homme, par contre, de naître « par la femme », là où il dit que « si la femme a été tirée de l'homme, l'homme, à son tour, naît par la femme.. »

Ici, pourtant, Paul explique la différence d'emploi de cette particule, mais il redresse aussi, en même temps, au passage, l'erreur de ceux qui supposent que le corps du Seigneur est un corps spirituel. Pour montrer que c'est de la pâte humaine qu'a été formée la chair déifère, il préfère le terme le plus expressif — par une femme, en effet, pouvait sous-entendre l'idée d'une génération transitoire ; d'une femme, au contraire, fait entendre suffisamment la communauté de nature de l'enfant avec la mère — Il ne se contredit nullement, mais il montre avec quelle facilité les particules se substituent les unes aux autres. Si donc, même devant les noms qui doivent normalement comporter par qui, on réclame à la place de qui, quelle raison a-t-on, pour falsifier la piété, de distinguer absolument l'un de l'autre ces mots-là ?